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Ces notices avaient été auparavant pré-publiées dans un périodique, sous formes d'articles, livrés entre août 1883 et janvier 1884 dans la rubrique « Poètes maudits » de la revue Lutèce[2].
Dans l'édition originale parue chez Vannier qui permet donc la réunion des trois articles, l'éditeur annonce un tirage de 255 exemplaires, ce qui est peu, et un prix de vente à 3 francs, pour un total de 56 pages. L'ouvrage est illustré de trois portraits, placés en hors-texte au début de chacune des notices : ce sont des photocompositions produites par l'imprimerie de Lutèce (dirigée par Léon Épinette, sise au 16 boulevard Saint-Germain) d'après, respectivement, un portrait authentique de Corbière de 1873, la photographie prise par Carjat de Rimbaud en d'octobre 1871, et enfin le portrait peint par Édouard Manet en 1876 de Mallarmé. Ces détails sont donnés par Verlaine lui-même au tout début de son ouvrage en un « Avertissement à propos des portraits ci-joint », avant-propos daté « 25 février 1884 ».
En août 1888, paraît toujours chez Léon Vannier[4], en un format de 112 pages, une « édition augmentée », ce qui revient à qualifier l'édition de 1884, de « première série », expression employée par l'éditeur lui-même. Le projet de Verlaine est clair : il ajoute au trois poètes précédents, trois nouveaux[5], qui sont Marceline Desbordes-Valmore, Villiers de l'Isle-Adam et Pauvre Lelian. Ce dernier est en fait l'anagramme de Paul Verlaine, ce qui veut dire que l'auteur de cet ouvrage s'inclut lui-même dans cette série de poètes maudits. Il faut également noter que seuls Rimbaud, Mallarmé et Villiers de L'Isle-Adam sont encore en vie au moment où paraît cet ouvrage : Verlaine l'ignore pour le premier, mais, pour les deux autres, il les connaît bien par ailleurs, puisqu'il échange avec eux une abondante correspondance[6].
L'ouvrage est cette fois imprimé chez Louis Boyer et Cie, imprimeur situé à Asnières, beaucoup plus gros que le précédent ; l'ouvrage est d'ailleurs proposé à 3,50 francs, ce qui signifie que le tirage est plus important. En termes d'illustrations, il est orné cette fois de six portraits originaux traduits par la photocomposition, qui ont été dessinés par le caricaturiste espagnol Manuel Luque, ce qu'indique bien la page de titre[7].
Précédent la page de titre, l'ouvrage s'ouvre sur un frontispice, une vignette représentant Paul Verlaine, en un portrait dessiné et signé par Luque, où le buste du poète figure comme en médaillon posé sur une lyre antique.
Ensuite, vient l'avant-propos programmatique de Verlaine qui s'ouvre par ces mots : « C'est Poètes Absolus qu'il fallait dire pour rester dans le calme, mais, outre que le calme n'est guère de mise en ces temps-ci, notre titre a cela pour lui qu'il répond juste à notre haine, et, nous en sommes sûr, à celle des survivants d'entre les Tout-Puissants, pour le vulgaire des lecteurs d'élite — une rude phalange qui nous la rend bien ». Ce texte était déjà dans l'édition de 1884, comme étant les premiers mots de la notice consacrée à Corbière.
La réception de l'ouvrage fut assez lente et froide. Il faut attendre novembre 1888 pour une critique destinée à un public élargi, elle paraît en une du quotidien Gil Blas, daté 19 novembre et signée Colombine (Henry Fouquier)[8]. Quelques semaines plus tôt, Le Décadent, une feuille assez confidentielle où travaille Verlaine, fait bien entendu la recension de l'ouvrage, par le biais de Louis-Pilate de Brinn’Gaubast[9].
Une expression devenue lieu commun
La notion romantique de « malédiction » du poète[10] apparaît déjà en 1832 dans le roman d'Alfred de VignyStello[6], qui expose le problème des rapports entre poètes et société, anticipant sa pièce Chatterton[11] : « (...) du jour où il sut lire il fut Poète, et dès lors il appartint à la race toujours maudite par les puissances de la terre... »[12]. Figure tragique poussée à l'extrême, versant à l'occasion dans la démence, l'image du poète maudit constitue, en quelque sorte, le sommet indépassable de la pensée romantique. Elle domine une conception de la poésie caractéristique de la seconde moitié du XIXe siècle.
L'expression « poète maudit » ayant fait florès, elle a servi au fil du temps à qualifier d'autres auteurs que les amis de Verlaine[13] et à désigner plus généralement un poète qui, incompris dès sa jeunesse, rejette les valeurs de la société, se conduit de manière provocante, dangereuse, asociale ou autodestructrice (en particulier avec la consommation d'alcool et de drogues) et, en général, meurt avant que son génie ne soit reconnu à sa juste valeur[14].
↑Maria de Jesus Cabral, Mallarmé hors frontières : Des défis de l'œuvre au filon symbolique du premier théâtre maeterlinckien, Amsterdam, Rodopi, , 362 p. (ISBN978-90-420-2227-0, lire en ligne), p. 37
↑L'une des premières annonces est publiée dans La Cravache parisienne, Paris, 11 août 1888, p. 3.
↑Arnaud Bernaret, « Du poncif : littérature et malédiction », dans Pascal Brissette et Marie-Pier Luneau (dirs.), Deux siècles de malédiction littéraire, Presses Universitaires de Liège, (ISBN978-2-8218-9636-9), p. 87
↑Martine Lavaud, « Portrait du scientifique en poète maudit : Les paradoxes de la IIIe République », dans Pascal Brissette et Marie-Pier Luneau (dirs.), Deux siècles de malédiction littéraire, Presses Universitaires de Liège, (ISBN978-2-8218-9636-9), p. 205
↑Myriam Bendhif-Syllas, Une histoire de l’écrivain maudit, in Acta Fabula, vol. 6, no 2, 2005 article en ligne
↑Julien Stout, « Une vie en plusieurs exemplaires : Observations sur le contexte manuscrit des Poèmes de l’Infortune de Rutebeuf », Revue française, Les Presses de l’Université de Montréal, vol. 48, no 3, , p. 33-58 (DOI10.7202/1015389ar, lire en ligne)
↑(en) A. J. Hoenselaars, The Author as Character : Representing Historical Writers in Western Literature, Fairleigh Dickinson University Press, , 332 p. (ISBN978-0-8386-3786-9, lire en ligne), p. 72
↑Pascal Brissette (dir.) et Marie-Pier Luneau (dir.), Deux siècles de malédiction littéraire, Presses universitaires de Liège, , 326 p. (ISBN978-2-8218-9636-9, lire en ligne), p. 13
↑Pascal Brissette (dir.) et Marie-Pier Luneau (dir.), Deux siècles de malédiction littéraire, Presses universitaires de Liège, , 326 p. (ISBN978-2-8218-9636-9, lire en ligne), p. 46
↑María del Carmen Camero Pérez, La critique artiste de Charles Baudelaire à Maurice Blanchot, Universidad de Sevilla, , 92 p. (ISBN978-84-472-0604-9, lire en ligne), p. 13
↑Jean-Luc Steinmetz, « Du poète infortuné au poète maudit », Œuvres et critiques, no VII, , p. 75-86
↑Gabriel-Aldo Bertozzi, « La Dame aux éventails de Manet et le poète Charles Cros », dans Marco Modenesi (éd.), La grâce de montrer son âme dans le vêtement, t. II : L'Ottocento e il Tournant du Siècle, Milan, Ledizioni, (ISBN9788855260565), p. 67
↑Pascal Brissette (dir.) et Marie-Pier Luneau (dir.), Deux siècles de malédiction littéraire, Presses universitaires de Liège, , 326 p. (ISBN978-2-8218-9636-9, lire en ligne), p. 246
↑(en) Nancy Schoenberger, Dangerous Muse : The Life of Lady Caroline Blackwood, Knopf Doubleday Publishing Group, , 400 p. (ISBN978-0-307-82235-2, lire en ligne), Pt149
↑(en) Daniel Morris, Lyric Encounters : Essays on American Poetry From Lazarus and Frost to Ortiz Cofer and Alexie, New York, Bloomsbury Publishing USA, , 236 p. (ISBN978-1-4411-5994-6, lire en ligne), p. 61
Pascal Brissette, La Malédiction littéraire : Du poète crotté au génie malheureux, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. « Socius », , 410 p. (ISBN2-7606-1978-8, lire en ligne).
Gianpaolo Furgiuele, Les auteurs maudits et la malédiction littéraire : XIXe et XXe siècles, Paris, Armand Colin, (ISBN978-2-200-63701-9).
Articles
Adrien Cavallaro, « “Un petit livre de critique, – ô de critique ! d’exaltation plutôt” : Ethos critique et configurations anthologiques des Poètes maudits (1884-1888) », Texto Poético, vol. 15, no 28, juin./sept. 2019, p. 105-136 (ISSN1808-5385)
Marie Blaise et Sylvie Triaire, « Verlaine — Les Poètes Maudits ou la valeur paradoxale », dans Marie-Paul Berranger (dir.), Évolutions/Révolutions des valeurs critiques (1860-1940) : Mutations des idées de littérature, vol. 2, Presses universitaires de la Méditerranée, coll. « Collection des littératures », , 67–82 p. (ISBN978-2-36781-303-5, lire en ligne).
Pascal Brissette, « Poète malheureux, poète maudit, malédiction littéraire : Hypothèses de recherche sur les origines d’un mythe », COnTEXTES, no 6, (lire en ligne).
Till R. Kuhnle, « Portrait du poète en voyou, maudit, crapaud… : Aspects d’une poétique de la modernité », Cahiers Benjamin Fondane, no 9, , p. 59-72.
Michel Zink, « Poète sacré, poète maudit », dans Brigitte Cazelles et Charles Méla (dir.), Modernité au Moyen Âge, le défi du passé, Droz, coll. « Recherches et rencontres », , p. 233-247.
Jean-Luc Steinmetz, « Du poète malheureux au poète maudit (réflexion sur la constitution d’un mythe) », Œuvres & Critiques, vol. VII, no 1, , p. 75-86.
(en) Diana Festa-McCormick, « The Myth of the Poètes Maudits », dans Robert L. Mitchell (dir.), Pre-text/Text/Context : Essays on Nineteenth-Century French Literature, Ohio State University Press, (ISBN978-0814203057), p. 199-215.