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L’Ave maris stella est une hymne catholique, consacrée à la Vierge Marie, qui appartient au répertoire grégorien. Diffusée d'abord aux monastères au Moyen Âge, celle-ci devint très populaire en Europe, notamment à partir de la Renaissance.
Latin | Français (octosyllabiques) | Littéralement | |
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1) | Ave, maris stella, Dei mater alma, Atque semper virgo, Felix cæli porta. |
Salut, Étoile de la mer, ô très sainte mère de Dieu, toi qui es vierge à tout jamais, ô bienheureuse Porte du ciel. |
Salut, étoile de la mer, Mère nourricière de Dieu, Et cependant toujours vierge, Heureuse porte du ciel. |
2) | Sumens illud Ave Gabrielis ore, Funda nos in pace, Mutans Evæ nomen. |
Toi qui accueilles cet Ave de la bouche de Gabriel, affermis nos cœurs dans la paix : tu as inversé le nom d'Ève. |
Faisant tien cet « Ave » De la bouche de Gabriel, Refonde-nous dans la paix, En inversant le nom de « Èva ». |
3) | Solve vincla reis, Profer lumen cæcis, Mala nostra pelle, Bona cuncta posce. |
Des coupables, brise les liens, donne aux aveugles la clarté, éloigne de nous tous les maux, demande pour nous toutes grâces. |
Délie les liens des coupables, Apporte la lumière aux aveugles, Chasse le mauvais de nous, Obtiens-nous toutes grâces. |
4) | Monstra t(e) esse matrem, Sumat per te precem Qui pro nobis natus Tulit esse tuus. |
Tu es Mère, montre-le nous ! Que celui qui pour nous est né en acceptant d'être ton Fils accueille par toi nos prières. |
Montre que tu es mère, Qu'il reçoive par toi la prière, Lui qui, né pour nous, A accepté d'être ton fils. |
5) | Virgo singularis, Inter omnes mitis, Nos culpis solutos Mites fac et castos. |
Ô Vierge unique, toi qui es de tous les êtres le plus doux, fais que, déliés de nos péchés, nous soyons toujours doux et chastes. |
Vierge sans pareille, Douce entre toutes, Nous, délivrés des péchés, Rends nous doux et pieux. |
6) | Vitam præsta puram, Iter para tutum, Ut videntes Jesum Semper collætemur. |
Accorde-nous de vivre purs, prépare-nous un chemin sûr, que, dans la vision de Jésus, à jamais nous soyons en liesse. |
Accorde une vie pure, Prépare un chemin sûr, Afin que, voyant Jésus, Nous nous réjouissions éternellement. |
7) | Sit laus Deo Patri. Summo Christo decus, Spiritui Sancto Honor, tribus unus. |
Louange au Père, notre Dieu gloire à Jésus Christ, le Très-Haut, rendons honneur à l'Esprit Saint, un seul hommage aux trois Personnes ! |
A Dieu le Père soit la gloire, Au Christ suprême louange, Et à l'Esprit Saint / Honneur, Ces trois personnes ne font qu'un. |
Amen[1]. | Amen[1]. | Amen. |
Partition grégorienne et exécution en ligne :
Dom Joseph Pothier, tant restaurateur du chant grégorien que spécialiste du texte latin, analysait en détail cette hymne. Cette dernière est, dans le contexte de composition poétique, très strictement construite[jp 1] :
(La cinquième strophe s'en écarte au troisième verset, il faudrait avoir Culpis nos solutos pour conserver le rythme général.)
Ce caractère de composition selon l'accent suggère que l'origine de texte dans le royaume carolingien auquel le chant grégorien était composé d'après l'accent et non la durée prosodique[jp 1]. Or parfois, dans quelques compositions musicales, qui étaient tardivement effectuées, cette structure poétique n'était pas respecté, faute de connaissance[jp 2]. Au contraire, cette structure est si aisément appréciée dans la composition du chant grégorien qu'il faut suivre le texte latin pour lequel les neumes suivaient correctement sur le plan musical. D'où, il faut écarter les signes (tels • - |) ajoutés au début du XXe siècle. En bref, cette structure maîtrise un mouvement phonétique à la récitation ainsi qu'au chant[jp 2]. La dernière syllabe se caractérise de son simple son sans accent, qui donne une note faible, légère, descendante en tant que conclusion de strophe et préparation de strophe suivante. Il s'agit d'une syllabe de repos, de prolongement et surtout de ralentissement final, qui favorise la compréhension de texte. Telle est la composition originelle selon le texte latin[jp 3].
Cette hymne n'était pas, donc, l'une des œuvres les plus anciennes, composées selon la durée prosodique[mf 1].
L'auteur de l'hymne reste anonyme, comme de nombreuses écritures du Moyen Âge[mf 2],[4]. Traditionnellement il était attribué à Venance Fortunat († 609)[5], Ambroise Autpert († 784)[6], Paul Diacre († vers 799)[5], Robert II le Pieux († 1031)[7], Bernard de Clairvaux († 1153) et d'autres.
En ce qui concerne Bernard de Clairvaux, il était certes chargé de réformer la liturgie cistercienne, dans le domaine musical. De ce fait, il y eut deux fois de réformes auprès de cet ordre. La première fut tenue vers 1108 sous l'abbé Étienne Harding, qui envoya à Milan ses moines, de sorte que le répertoire d'hymne ambroisienne soit correctement rétabli. Car la règle de saint Benoît précise, dans les offices de la liturgie des Heures, l'usage de l'hymne ambrosienne[mf 2]. En conséquence, avec cette première réforme, toutes les hymnes non ambrosiennes parmi quatre-vingt furent exclues[8]. Il ne restait que trente-quatre[mf 2]. La deuxième fut effectuée sous la direction de Bernard de Clairvaux, entre 1142 et 1147, selon la volonté des supérieurs qui n'appréciaient pas les œuvres de la première réforme. Vingt-cinq hymnes traditionnelles furent, à nouveau, intégrées dans le répertoire, avec la révision de saint Bernard[mf 1]. D'après Chrysogonus Waddell († 2008), théologien de l'ordre cistercien de la Stricte Observance, l'hymne Ave maris stella, non ambrosienne, fut donc supprimée puis restaurée lors de ces réformes successives[8],[9]. Aussi son étude (posthume, 2011) exprime-t-elle que cette hymne existait déjà, avant 1108.
Il n'existe aucun rapport, en ce qui concerne la composition, avec le roi Robert le Pieux. En effet, le manuscrit 95 de la bibliothèque de l'abbaye de Saint-Gall contient ce texte : [manuscrit en ligne]. S'il s'agit d'un folio ajouté, vraisemblablement au Xe siècle[10], cette copie demeure antérieure au roi Robert[7].
Les études de Helmut Gneuss avancèrent la connaissance sur ce sujet. Après l'hymnaire qui était utilisé auprès des monastères bénédictins, un nouvel hymnaire, dit vieux-hymnaire I (Old Hymnal I selon Gneuss), apparut au VIe siècle environ. Il se composait de seize hymnes. Puis on révisa celui-ci pour une nouvelle version (Old Hymnal II) qui contenait vingt-cinq œuvres[mf 2]. Et l’Ave maris stella se trouve dans ce deuxième, édité à partir du VIIe siècle[11]. La rédaction, qui avait été terminée au IXe siècle, pouvait être liée au mouvement culturel, Renaissance carolingienne[12], et ces hymnes supplémentaires avaient été composées aux abbayes et aux centres ecclésiastiques, qui situaient au nord des Alpes. Leurs auteurs restent toutefois inconnus[11].
Si l'hymnaire ancien de saint Benoît fut perdu, l'abbaye Saint-Augustin de Cantorbéry conservait un manuscrit lié à l'hymnaire apporté par des Bénédictins en 597, lors de la mission de l'évangélisation sous l'intention de saint Grégoire le Grand. La liste des incipits, copiés avant la disparition de manuscrit au XVe siècle, présente quinze titres, mais sans l’Ave maris stella [43]. Saint Benoît et son ordre de l'époque ne connaissaient pas cette hymne.
Aucun manuscrit ne mentionnait le nom d'auteur. Comme l'origine se trouve dans la tradition monastique, il est vraiment difficile à identifier l'auteur, notamment pour ceux qui concernent les œuvres médiévales. En résumé, ce qui demeure certain est que cette œuvre avait été composée dans le royaume carolingien pour la liturgie locale, et été intégrée, au VIIIe siècle environ[13], dans le dit vieux-hymnaire II (Old Hymnal II) pour l'usage universel aux monastères, qui contribua à diffuser cette hymne. Avec sa réforme liturgique, saint Bernard sauvegarda au XIIe siècle cette hymne, supprimée dans l'hymnaire de son ordre. De plus en plus utilisée aux paroisses, l'hymne fut finalement admise dans le rite romain.
Bien entendu, l'hymne se consacre à Marie, étoile de la mer (stella maris). Il est cependant à noter qu'en Europe, on priait à l'Étoile polaire (de même Stella Maris), notamment ce qui était la prière des navigateurs. Il y eut une fusion de ces deux images, tant dans la tradition spirituelle que le domaine littéraire[cl 1]. L'hymne était un fruit de cette assimilation. Ainsi, dans les Vespro della Beata Vergine de Claudio Monteverdi (1610), un texte témoigne cette fusion (no 9 concerto Audi cœlum) :
Audi cœlum, verba mea, |
Écoute, ô Ciel, mes paroles, |
L'hymne était tellement populaire que l'on comptait, au moins, huit mélodies différentes sur le texte[2],[15]. Parmi elles, celles que l'on chante encore aujourd'hui restent deux (voir ci-dessus)[1]. Si toutes les deux emploient le premier mode grégorien, la version in memoriis possède déjà la caractéristique de mode mineur. Celle de solemn tone, qui s'illustre de sa couleur mystérieuse, est très souvent en usage depuis le Moyen Âge. Avec son immense popularité, elle inspira surtout un grand nombre de compositeurs, pour être paraphrasée. À l'origine, cette version solennelle était chantée à la fin des offices des vêpres, avant le cantique Magnificat, lors de grandes fêtes de Sainte Marie[2]. Il est possible que la mélodie en usage actuellement fût issue de la tradition cistercienne[2]. Car, lors de la deuxième réforme cistercienne, c'était saint Bernard de Clairvaux qui fit enrichir le répertoire de l'hymnaire avec de nouvelles mélodies, six ou sept[8].
En ce qui concerne la notation, les premiers manuscrits datent du XIe siècle[mf 1]. Cela coïncidait à l'époque où les diocèses commencèrent à utiliser les hymnes, mais en tant que liturgie locale. D'où, la mélodie n'était pas fixée. On chantait librement la même mélodie pour plusieurs hymnes[mf 1].
Cette hymne était par ailleurs une source de nombreuses séquences, ayant pour but d'enrichir la célébration de grandes fêtes mariales, avec leurs chants poétiques. Les meilleurs exemplaires se trouvent dans le répertoire de l'ancienne abbaye Saint-Martial de Limoges[cl 2].
Dans le domaine musical, Guillaume Dufay prépara une catégorie prospère des hymnes en polyphonie, dont Ave maris stella. Dans ses trente hymnes restantes à trois voix, le cantus firmus tenait leur mélodie originelle tandis que les deux autres chantent leurs parties élaborées et sophistiquées[mf 3].
L’Ave maris stella reste toujours, dans la pratique de la liturgie des Heures, l'hymne des vêpres, quel que soit le rite. Ainsi, quatre livres des Heures du XVe siècle employaient des chants assez différents alors que cette hymne était réservée aux vêpres, sans exception : Paris (1498) ; Rome (1486) ; Sarum (1495) ; Suède (1495)[16]. Cette uniformité peut être expliquée par la popularité de cette hymne.
La composition musicale de cette hymne était, à la Renaissance, très florissante. Il faut remarquer qu'il y avait une contribution importante de Josquin des Prés. Sans doute admirateur de cette hymne, celui-ci composa en effet tant son motet à 4 voix avec le texte complet que sa messe parodie Ave maris stella[17]. Dans les archives, ses manuscrits demeurent très riches avec leurs variantes, qui signifient que le compositeur continuait à engager ce sujet. De surcroît, c'était lui qui inaugura la composition de la strophe IV Monstra te esse matrem[18],[17]. Il s'agit, à vrai dire, d'une variante de le chant À la mort à 3 voix (NJE27.1). Un manuscrit de celui-ci, conservé à Florence, contient la quatrième voix en canon, qui chante en latin Monstra te esse matrem [44][2]. Cette combinaison des textes suggère que l'œuvre était conçue pour l'office de complies à la fin de journée ou destinée au malade mourant, d'après le texte français :
À la mort, on prioit à l'heure :
Je te requiers de cueur contrit,
Dame des cieulx, rends mon esprit
Devant ton filz et me sequeure[2].
Parmi de nombreuses compositions, on distingue un véritable chef-d'œuvre Vespro della Beata Vergine de Claudio Monteverdi publié en 1610. Chantée juste avant le Magnificat, son hymne Ave maris stella est exécutée en double-chœur à 8 voix, tout à fait adapté à la basilique Saint-Marc de Venise qui possédait deux places réservées à la schola. En 1613, le compositeur sera nommé maître de cette célèbre Cappella Marciana. Certes, cette publication avait pour but d'obtenir une promotion. Toutefois, il est vrai que l'œuvre était aussi dédiée au pape Paul V, plus précisément liée à une indulgence octroyée par ce dernier à la basilique Saint-André de Mantoue, de laquelle la protectrice n'est autre que la Sainte Vierge. En 1611, la ville célébra en effet son affirmation du culte, sans doute avec ce chef-d'œuvre[19]. Dans cette pièce no 12, les sept strophes à la base du cantus firmus sont enrichies avec quatre ritournelles, et en structure symétrique[20], ce qui manifeste un grand talent de ce compositeur. Les Vespro della Beata Vergine sont considérées, de nos jours, l'une des œuvres monumentales de la musique occidentale :
Cette hymne était la matière principale de Francesco Soriano pour ses canons très développés. Sa première publication tenue en 1610 comptait 101 canoni et oblighi (canon et obbligato), à la base du même cantus firmus Ave maris stella [45][21]. En sachant que Soriano avait achevé ce travail intensif, Gioan Pietro Del Buono y ajouta, en 1641, 100 autres compositions sur le cantus firmus de son prédécesseur, de sorte que tout ce qui concerne puisse comprendre que cette science de composition se développe sans limites[21].
Mais Francesco Soriano n'était autre que le maître de la Cappella Giulia du Vatican, en pleine réforme tridentine. En résumé, l'hymne intéressait, à cette époque-là, de grands musiciens les plus distingués.
Par ailleurs, on continua à publier le recueil de canon, notamment celui de l’Ave maris stella, jusqu'au XIXe siècle alors que la composition de nouvelles pièces se termina déjà au XVIIe siècle[it 1]. Il s'agissait d'un phénomène particulier de ce siècle.
Toujours exécutée, mais à la suite du concile de Trente, la pratique de l'hymne connaissait un changement de manière. Le premier cérémonial sorti du Vatican, dit cérémonial de Clément VIII, recommandait l'alternance entre la voix et l'orgue, afin d'amplifier la musicalité dans la célébration, par exemple pour le Kyrie. Il s'agissait d'une manière, dans le cadre de la Contre-Réforme, pour lutter contre le protestantisme, surtout le calvinisme qui avait fait supprimer toute la musique. D'autre part, il faut souligner que cette façon avait aussi pour but d'améliorer la qualité de célébration. En conséquence, l'hymne Ave maris stella était, souvent, chantée en alternance. Les œuvres de Jehan Titelouze et de Nicolas de Grigny se caractérisaient de leur composition de quatre strophes, adaptant l'exécution en alternance. Texte très connu par l'assemblée, l'orgue chantait, avec cette pratique, des strophes.
D'ailleurs, cette façon avait encore son influence. Ainsi, Tomás Luis de Victoria avait publié en 1581 sa composition de motet, dans laquelle les strophes impaires (I, III, V et VII) restent en grégorien. Donc, l'hymne était exécutée en alternance entre les chantres et le chœur [46]. Telles étaient le résultat de la Contre-Réforme.
Dans le rite tridentin, cette hymne était réservée aux premières vêpres de la fête de l'Assomption de Marie, à savoir les vêpres solennelles de la soirée du 14 août en tant que vigile [Breviarum Romanum cum Psalterio proprio et officiis sanctorum ad usum cleri Basilicæ Vaticanæ Clementis X (1674)]. De même, le 7 septembre au soir, on la chantait pour les premières vêpre de la Nativité de Marie [47].
En ce qui concerne la composition musicale, l'usage de la monodie grégorienne causait moins de création à l'époque de la musique romantique. On compte cependant quelques grands compositeurs catholiques tel Franz Liszt. Il est à remarquer que le texte devint populaire parmi des compositeurs scandinaves. Les œuvres d'orgue restent assez florissantes, notamment celles de Franz Liszt et de César Franck, car elles peuvent être jouées dans la liturgie, par exemple, lors de la communion. Il est normal que de célèbres organistes français aient participé à composer leurs pièces pour cet instrument.
Même après le concile Vatican II, l'hymne est toujours en usage[22] :
Il y a une pratique quotidienne selon la recommandation de sainte Brigitte de Suède. Chez l'ordre de Sainte-Brigitte, il s'agit de sa prière formelle[23].
La composition par des musiciens contemporains se continue.
Germain Nouveau paraphrasa l'hymne. Il s'agit de l'une de quelques exceptions qui furent publiée avant son trépas[118]. D'ailleurs, à la dernière strophe de l'œuvre Après-midi d'été, il citait encore le titre de l'hymne : « Saccade en le rythmant l’Ave Maris Stella[119]. »
En qualité de religieux, Théodore Combalot aussi composa, en tant que paraphrase de l’Ave maris stella, le cantique français Sur cette mer, ô ma fidèle étoile ! [lire en ligne][120].
Dans la tradition populaire, le célèbre chanson du Roi Renaud n'est autre qu'une imitation de l'hymne, qui garde une mélodie authentique du chant grégorien[121].
Le premier verset Ave maris stella était l'héraldique ecclésiastique de l'évêque Edmond Dumont à Charleroi.
L'hymne national de l'Acadie ou dit hymne acadien fut composé à la base du texte original liturgique. La légende attribue à Louis XIII, qui était un grand protecteur du culte de Sainte Marie, l'origine de cet hymne national. Encore faut-il trouver un manuscrit pour confirmer cette hypothèse[122].