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Lysistrata
Illustration d'Aubrey Beardsley, 1896.
Illustration d'Aubrey Beardsley, 1896.

Auteur Aristophane
Nb. d'actes Un acte
Date d'écriture 411 av. J.-C.
Version originale
Titre original Λυσιστράτη
Langue originale Grec ancien
Rôle principal Lysistrata

Lysistrata (en grec ancien : Λυσιστράτη / Lusistrátê, littéralement « celle qui licencie l'armée », de λύω / lúô, « délier, libérer, congédier » et στρατός / stratós, « l'armée ») est une comédie grecque antique d'Aristophane écrite en 411 av. J.-C..

À différentes reprises, Aristophane met en scène dans ses pièces des femmes qui se révoltent contre la domination des hommes et prennent le pouvoir, ce qui entraîne des allusions, plus ou moins explicites, aux Amazones. Plusieurs situations montrent la volonté d'inverser les rôles dans une société qui proclame que « La guerre est l'affaire des hommes et la maison, celle des femmes. » Plus précisément, dans cette comédie, Aristophane appelle une nouvelle fois à la paix : bien décidées à ce que leurs maris mettent fin à la guerre, les femmes de Grèce lancent une grève du sexe, à laquelle elles ne mettront fin que lorsque le conflit sera terminé.

Comme souvent chez Aristophane, Lysistrata est une pièce dans laquelle le comique de mots est très présent : on y trouve de nombreux jeux de mots vulgaires, de références à la sexualité et de néologismes[réf. souhaitée].

Genèse et argument de la pièce

Genèse

La pièce a été créée en 411 av. J.-C. dans la cité d'Athènes, lors des Dionysies ou d'autres festivités moins importantes consacrées à Dionysos, les Lénéennes. Une autre comédie d'Aristophane, Les Thesmophories, est créée la même année, et il est difficile de savoir laquelle a été jouée dans quel événement.

Argument

Dans Lysistrata, Aristophane imagine pour les femmes un mot d’ordre efficace : « Pour arrêter la guerre, refusez-vous à vos maris. »

Alors qu'Athènes et Sparte sont en guerre, Lysistrata, une belle Athénienne, aussi rusée qu'audacieuse, convainc les femmes d'Athènes — Calonice, Myrrhine, Lampito — ainsi que celles de toutes les cités grecques, de déclencher et de poursuivre une grève du sexe, jusqu'à ce que les hommes reviennent à la raison et cessent le combat.

Analyse

La pièce montre le rôle que les femmes peuvent avoir dans la société et la façon de faire de la politique, mais aussi le rôle qu’elles ne jouent pas car leurs avis sont ignorés. Toutes les questions politiques sont considérées uniquement du point de vue des hommes[C'est-à-dire ?]. Voir notamment les dialogues entre Lysistrata et le Magistrat qui vient tenter d’intimider les femmes et les empêcher de réaliser leurs plans[C'est-à-dire ?].

Aristophane se plaît ici à mêler les conflits de l’État aux détails les plus intimes de la vie quotidienne, résolvant une crise politique des plus graves par la comédie la plus licencieuse, et usant avec bonheur de tous les clichés de la guerre des sexes[non neutre].

Aristophane, à plusieurs reprises, met en scène dans ses pièces des femmes qui se révoltent contre la domination des hommes, et prennent le pouvoir, ce qui entraîne des allusions, plus ou moins explicites, aux Amazones[réf. souhaitée]. Plusieurs situations montrent cette volonté d'inverser les rôles dans une société qui proclame que la guerre est l'affaire des hommes et la maison, celle des femmes. L'Assemblée des femmes (créée en 392 av. J.-C.) est une autre pièce d'Aristophane qui traite de la révolution des femmes. Dans celle-ci, elles décident, après avoir pris le pouvoir, de faire tout le contraire de ce que font les hommes. Aristophane a aussi écrit Les Thesmophories (412 av. J.-C.) où les femmes organisent une véritable assemblée et prennent des décrets[1].

L'ensemble du texte de Lysistrata devait éveiller dans l'esprit des spectateurs l'image des Amazones. En effet, dans cette pièce, les femmes prennent l'Acropole, ce que les Amazones ont tenté de faire sans succès dans la mythologie grecque[2].

On peut considérer que pour Aristophane, ce gouvernement des femmes est une forme d'utopie, incarnant son rêve de paix et de bonheur, inventant la paix perpétuelle et une forme de vie communautaire[3]

Mais cette analyse de la pièce et plus généralement de la position de l'auteur par rapport à la place des femmes dans la société est sujette à débat. On peut au contraire lire dans son œuvre une façon détournée, voire « perverse », mais également pétrie de contradictions, d'attaquer les femmes et de les renvoyer à une nature dionysiaque, qu'il faut domestiquer[4]. Dans Lysistrata, Aristophane se servirait des femmes pour défendre la cause de la paix auprès des hommes tout en les faisant rire, via ce « monde à l'envers » où le poids de l'autorité masculine sera finalement rétabli : il « donne la parole aux femmes non pas parce qu'il est un féministe avant l'heure, mais pour montrer que les hommes, les responsables du destin de la cité, ne semblent plus en mesure d'assurer son salut »[5]. Dans le même ordre de retournement des valeurs, les femmes y seraient le prétexte à discréditer Euripide, favorable aux femmes, en l'accusant d'une misogynie qui appartient en fait à Aristophane[4].

L'œuvre après l'Antiquité

Traductions

On trouvera plus bas, dans la rubrique « Bibliographie », les principales traductions en français parues aux XXe et XXIe siècles.

Mises en scène modernes

Lysistrata dans une mise en scène de James Thomas à New York en 2008.

En 1957, Mános Hadjidákis compose la partition d'une mise en scène de la pièce en grec[6].

Cette pièce a été reprise début 2011 par Raymond Acquaviva et une troupe d'une vingtaine de jeunes comédiens. Ils sont pour la plupart issus des Ateliers du Sudden comme Catherine Vranken dans le rôle de Lysistrata ou encore Pierre Bechet dans le rôle du ministre. Elle est présentée sous la forme humoristique d'une comédie musicale.

Serge Valletti propose en 2012 une adaptation de la pièce sous le titre La Stratégie d'Alice, mis en scène par Emmanuel Daumas aux Nuits de Fourvière, à Lyon en 2016.[pas clair]

Adaptations

En 1969, une adaptation de la pièce par l'auteur Michel Tremblay et le metteur en scène André Brassard fut créée à Ottawa (Canada) avec la comédienne Louisette Dussault dans le rôle-titre. La guerre du Péloponnèse, qui est un élément important dans la pièce, fait écho à la guerre du Viêt Nam contemporaine. La pièce est expurgée de son humour scatologique ou sexuel, afin d'être plus accessible au grand public[7].

En 1983, le cinéaste turc Kartal Tibet (en) réalise une comédie nommée Şalvar Davası (en) (« L'Affaire du Caleçon ») qui s'inspire de la pièce d'Aristophane. Le film retrace l'histoire d'un groupe de villageoises qui, sous l'égide de l'héroïne, une femme émancipée, récemment revenue dans son village natal, entame la grève du sexe pour lutter contre la domination masculine. Les villageoises se replient dans la maison de l'héroïne et se refusent à leurs époux respectifs jusqu'à l'exécution de leurs revendications. Leur résistance et leur retrait de toutes les activités quotidiennes déstabilisent la vie de cette communauté rurale et confronte les hommes aux thèmes de la cause féminine.[réf. souhaitée]

L'auteur suédois Henning Mankell a également adapté Lysistrata à Maputo, au Mozambique, en 1992, alors que la guerre faisait encore rage[8] : « Nous faisions une adaptation de Lysistrata. Le côté grec avait été gommé, mais le cœur de l'histoire, une grève de l'amour entreprise par les femmes pour contraindre leurs hommes à conclure la paix, était aussi actuel qu'il l'était il y a plus de deux mille ans, quand Aristophane avait écrit cette pièce géniale »[9].

Lysistrata Jones (en), créée en 2011 à Broadway, est une comédie musicale autour du basket-ball, dont le texte a été écrit par Douglas Carter Bean (en) et les musiques par Lewis Flinn. Les thèmes de la pièce d'Aristophane sont conservés. La comédie raconte l'histoire d'une équipe de basket-ball à l’université : les petites amies des joueurs en viennent à refuser d'avoir des relations sexuelles avec eux. Après de premières représentations par la compagnie de théâtre Transport Group dans le cadre de l'Off-Broadway bien reçues par la critique, le spectacle a été monté à Broadway en décembre 2011 puis joué jusqu'en janvier 2012[réf. souhaitée]. Cette œuvre se veut une transposition de l'intrigue dans le monde contemporain, actualisant la mise en scène, les décors, le cadre spatial, les intonations et les répliques des personnages.

Adaptations dans d'autres arts

Arts graphiques
  • En 1896, Aubrey Beardsley publie sous le titre Lysistrata une série de dessins érotiques (en édition privée ; réédité en 1926 à Londres ou à Paris)[10].
  • En 1932, André Collot illustre la pièce (20 eaux fortes) pour l'éditeur Le Vasseur et Cie.
  • En 1934, Pablo Picasso illustre la pièce sous la commande de l'éditeur suisse Albert Skira. Le livre original, tiré à 1 500 exemplaires, est très recherché par les collectionneurs[11].
  • En 1987, l'auteur allemand de bandes dessinées Ralf König réalise une « adaptation assez libre d'une comédie d'Aristophane » selon ses termes, incluant un groupe d'hommes homosexuels. En partie inspiré par le travail de Picasso[réf. souhaitée], cet album est publié en France par la maison d'édition Glénat.
Cinéma
Télévision

Références contemporaines

Dans le domaine de l'art, Lysistrata est une des 1 038 femmes représentées dans l'œuvre de Judy Chicago, The Dinner Party, aujourd'hui exposée au Brooklyn Museum. Cette œuvre se présente sous la forme d'une table triangulaire de trente-neuf convives, treize par côté. Chaque convive est une femme, figure historique ou mythique. Les noms des 999 autres femmes figurent sur le socle de l'œuvre. Le nom de Lysistrata figure sur le socle, elle y est associée à Sophie, sixième convive de l'aile I de la table[12].

Sur le plan politique, la grève du sexe est encore de nos jours un moyen de manifester: ce fut le cas au Soudan en octobre 2014, quand quelque quatre-vingt-dix Sud-soudanaises militant pour la paix ont pratiqué une grève du sexe pour influencer leurs hommes[13].

En astronomie, l'astéroïde (897) Lysistrata, découvert en 1918, a reçu ce nom en référence au titre de la comédie[14].

Notes et références

  1. Aristophane, Musagora. Sceren-CNDP (consulté le 19 janvier 2015). Disponible sur cndp.fr.
  2. Voir la présentation sur le site cndp.fr.
  3. Madeleine Van Oyen, « Aristophane, conservateur, féministe et utopiste », R de réel,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  4. a et b Jacqueline Assaël, « Misogynie et féminisme chez Aristophane et chez Euripide », Pallas, revue d'études antiques,‎ , p. 91-103 (lire en ligne).
  5. Silvia Milanezi, Lysistrata, Les Belles Lettres, , Introduction.
  6. (en) « Lysistrata’s eternal peace message », sur ekathimerini.com, (consulté le ).
  7. Patrice Lepine, « Michel Tremblay et André Brassard, l'adaptation. », sur patrice444.tripod.com (consulté le ).
  8. Mankell, Henning, 1948-2015., Kvicksand, , 347 p. (ISBN 978-91-7343-464-5 et 9173434647, OCLC 892844221, lire en ligne)
  9. (en) Henning Mankell (trad. Anna Gibson), Sable mouvant : Fragments de ma vie, Éditions du Seuil, , p. 223.
  10. Mark Samuels Lasner, A Selective Checklist of the Published Work of Aubrey Beardsley, Thomas G. Boss Fine Books, Boston, 1995.
  11. Cécile Mazin, « Théâtre antique : Picasso illustrateur de Lysistrata, d'Aristophane », sur www.actualitte.com, (consulté le ).
  12. Musée de Brooklyn - Lysistrata.
  13. [En ligne] 20 Minutes France SAS, 23 octobre 2014 (consulté le 19 janvier 2015). Disponible sur : 20 Minutes.
  14. (en) « (897) Lysistrata », dans Dictionary of Minor Planet Names, Springer, (ISBN 978-3-540-29925-7, DOI 10.1007/978-3-540-29925-7_898, lire en ligne), p. 81–81

Voir aussi

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Bibliographie

Traductions

  • (grc + fr) Les Oiseaux - Lysistrata (trad. Hilaire Van Daele), t. III, Paris, Les Belles Lettres, coll. « des Universités de France », (1re éd. 1928), 324 p. (ISBN 978-2-251-00030-5), Notice, p. 112-115
  • Lysistrata in Théâtre complet (trad. Victor-Henry Debidour), t. II, Paris, Gallimard, coll. « Folio » (réimpr. 2020) (1re éd. 1966), 508 p. (ISBN 978-2-070-37790-9), p. 131-200; introduction et analyse, p. 125-130
  • Lysistrata in Théâtre complet (trad. Pascal Thiercy), Paris, Gallimard, coll. « La Pléiade », (1re éd. 1997), XL - 1359 p. (ISBN 978-2-070-11385-9), p. 453 - 561
  • Lysistrata. Faisons la grève du sexe ! (trad. Michel Host), Paris, Mille et une nuits, coll. « 1001 Nuits Petite Collection », , 144 p. (ISBN 978-2-755-50064-6)
  • Lysistrata (trad. par Laetitia Bianchi et et Raphaël Meltz ), Paris, Arléa, coll. « Retour aux grands textes », 2024 [2007], 144 p. (ISBN 978-2-363- 08361-6)
  • Lysistrata (d'après Aristophane), Adaptation d'André Brassard et de Michel Tremblay, Montréal, Leméac éditeur, coll. « Théâtre Leméac », 1969, 93 p. (ISBN 978-2-760-90916-8)

Études

  • Simon Byl, « Le stéréotype de la femme athénienne dans Lysistrata », Revue belge de philologie et d'histoire, vol. 69, no 1 « Antiquité - Oudheid »,‎ , p. 33-43 (lire en ligne)
  • Ghislaine Jay-Rober, « Rôle de la femme dans Lysistrata, les Thesmophories et l’Assemblée des Femmes d’Aristophane, ou Les femmes et la création théâtrale », Euphrosyne, no 34,‎ , p. 35-50 (lire en ligne)
  • Paul Demont et Anne Lebeau, Introduction au théâtre grec, Paris, Le Livre de Poche, coll. « Références », , 254 p. (ISBN 978-2-253-90525-7), p. 170 et passim
  • Michèle Rosellini, « Lysistrata : une mise en scène de la féminité », Cahiers de Fontenay, no 17 « Aristophane : Les Femmes et la Cité »,‎ , p. 11-32 (lire en ligne)
  • Marc Vandersmissen, « La femme et son domaine dans Lysistrata d'Aristophane. Étude de vocabulaire », Études Classiques, vol. 78, nos 2-3,‎ , p. 169-186 (lire en ligne)

Liens externes