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Le mobbing (du verbe anglais « to mob », malmener) est un harcèlement moral qui se produit en meute et à l'encontre d'une seule personne et dont le monde académique semble être un terrain propice[1]. Avec d'autres termes, il est aussi décrit comme un harcèlement psychologique collectif et moral qui consiste en un processus concerté sur une personne afin de l'exclure socialement[2],[3].

Développement historique

La notion de mobbing a été introduite dans le champ des relations interpersonnelles par le médecin suédois Peter-Paul Heinemann (de) en 1969[4]. Dans son ouvrage de 1972 Mobbing, Heinemann emploie le terme pour décrire certains aspects collectifs du comportement enfantin[5]. Cet usage s'inspire des travaux de l'éthologue Konrad Lorenz qui utilise le terme avec la connotation de mob (foule) pour décrire le houspillage ; « rassemblement de petits animaux qui s’uniss[e]nt pour faire fuir un animal plus grand et dangereux »[6].

Le terme de mobbing a ensuite été popularisé par les travaux du psychosociologue allemand Heinz Leymann qui publie en 1993 un ouvrage traduit en français sous le titre Mobbing : la persécution au travail. Pour Leymann,

Le concept de mobbing définit l’enchaînement sur une assez longue période, de propos et d’agissements hostiles, exprimés ou manifestés par une ou plusieurs personnes envers une tierce personne (la cible). Par extension, le terme s’applique aussi aux relations entre les agresseurs et leurs victimes […] Les caractéristiques du mobbing sont les suivantes : confrontation, brimades et sévices, dédain de la personnalité et répétition fréquente des agressions sur une assez longue durée[7]

Leymann précise en outre avoir choisi le terme de mobbing pour éviter la présupposition de violence physique entraînée selon lui par l'emploi du terme bullying, alors plus habituel dans la littérature anglaise[6]. Le mobbing selon lui, n'est donc pas nécessairement un phénomène collectif, mais se distingue d'autres formes de conflits car il vise généralement l'exclusion de l'autre[8]. La cible est généralement dans une position sociale inférieure à l'auteur du mobbing ; « Fréquemment, on constate une différence de pouvoir entre la victime et l’auteur du mobbing. »[8].

Nonobstant l'usage fait par Leymann du terme[9], il existe aujourd'hui, selon Marie-France Hirigoyen, « un consensus – confirmé par l’International Association on Work Bullying and Harassment (IAWBH) qui regroupe les chercheurs de 32 pays sur ce sujet – pour préférer en anglais les termes harassment ou bullying pour décrire les agressions insidieuses et perverses alors que le terme mobbing garde une signification plus collective »[6]. En France comme en Belgique le Marie-France Hirigoyen[10], aura permis une mobilisation médiatique et sur une loi spécifique[pas clair]. De nombreuses recherches dans les pays scandinaves et en Allemagne portent sur ce concept de mobbing[11].

Définition du concept

Heinz Leymann, soucieux d'une définition opérationnelle du concept, listait une quarantaine de comportements d'agression qui, s'ils sont répétés régulièrement (au moins une fois par semaine pendant une durée de six mois), constituent un mobbing. Cette définition, si elle se veut plus détaillée que celle de Marie-France Hirigoyen, exclut cependant certains comportements (par exemple moins fréquents, ou sur une durée inférieure à six mois) qui peuvent être aussi destructeurs. Une autre différence entre mobbing et harcèlement moral porte sur le rapport entre harcèlement et conflit. Il introduit ce terme en 1996 dans son ouvrage Mobbing : la persécution au travail[9].

L'avocate Gabriella Wennubst critique les notions de durée et de fréquences des actes perpétrés par le mobbing (notions reprises dans de nombreuses définitions à la suite des travaux de Heinz Leymann)[12]. Ces critères ne peuvent pas être retenus comme pertinents car éminemment subjectifs et inhérents à la volonté des auteurs, ou inhérents à la capacité d’endurance de la cible. De plus, elle souligne que le mobbing est une forme de harcèlement psychologique (en France appelé communément harcèlement moral) parmi d’autres (harcèlement perversion, stalking, bullying, harcèlement manipulation). Elle retient aussi que le mobbing n’est pas spécifique au monde du travail, mais existe dans toutes les sphères de la vie (couple, famille, politique, armée, école, sport).

Selon elle, le mobbing se différencie des autres formes de harcèlement psychologique par sa finalité, à savoir l’exclusion, la marginalisation ou la neutralisation de la cible. Wennubst relève également une tendance à qualifier de mobbing (ou d’une manière générale de harcèlement psychologique/moral) toutes sortes de situations conflictuelles ou problématiques et propose un lexique des autres cas de figure possibles[13] ainsi que les clés de différenciation entre phénomènes différents. Gabriella Wennubst propose la définition suivante de mobbing : « par mobbing on entend une répétition d’actes hostiles (harcèlement) par un ou des auteurs tendant à isoler, marginaliser, éloigner ou exclure la victime d’un cercle de relations données, voire à la neutraliser ». Ce processus se caractérise par l’adoption par les auteurs d’une communication non éthique dont le but est de déplacer la responsabilité des événements en cours, de manière dénuée de tout sens critique, sur la victime.

Pour la politologue Eve Seguin[16], le mobbing est, en milieu de travail, un « processus concerté d’élimination d'un employé », qu'elle recommande d'appeler « cible » plutôt que « victime » et dont il n'existe pas de profil « psychologique ou social » type : « La recherche sur le mobbing, qui a débuté dans les années 1980, a été incapable de mettre en évidence d’éventuels traits distinctifs des cibles[17]. »

Bruno Lefebvre, psychologue clinicien, a pu distinguer trois types de harceleurs « en dehors du pervers narcissique : celui qui est « accro au travail » et qui du coup en demande trop aux autres, le manager absent qui laisse dégénérer et ne soutient pas ses équipes et le « manager télécommandé » qui rejette sur d’autres la pression qu’il subit[18],[19]. »

Analyse post-traumatique

Une analyse statistique, réalisée en Suède, portant sur la sévérité du trouble de stress post-traumatique (SSPT) dont souffraient 64 patients victimes de mobbing, montre une intensité sévère avec des effets mentaux entièrement comparables au SSPT des expériences de guerre ou de camp de prisonniers de guerre ou politiques[20].

Notes et références

  1. Michel Rocca, « « Mobbing » : le monde académique, un terrain propice au harcèlement en meute », sur The Conversation (consulté le )
  2. Eve Seguin, « Mobbing, ou l’extermination concertée d’une cible humaine », sur acfas,  : « c’est l’utilisation d’une communication dite « non éthique » ou « négative », en vue de la destruction sociale de la cible, c’est-à-dire de sa complète ostracisation »
  3. Shallcross, Linda, Ramsay, Sheryl, & Barker, Michelle, « Workplace mobbing: Expulsion, exclusion, and transformation »,  : « Another researcher, Schuster (1996) following on from Leymann (1996) discussed mobbing as a form of social exclusion. »
  4. P. P Heinemann, « Apartheid », Liberal debatt, vol. 22, no 2,‎ , p. 3-14.
  5. Véronique Tremblay-Chaput, « Le mobbing en milieu académiqueMieux comprendre le phénomène pour mieux l’enrayer », .
  6. a b et c Marie-France Hirigoyen, Le harcèlement moral au travail, Presses universitaires de France, (lire en ligne), p. 7-9.
  7. « Quête pour une définition », sur Ministère de la sante.
  8. a et b SECO, « Mobbing : Description et aspects légaux », p.10 [PDF], sur conflits.ch (consulté le )
  9. a et b Heinz Leymann, Mobbing: la persècution au travail, Editions du Seuil, (ISBN 978-2-02-022068-2, OCLC 36073970, lire en ligne)
  10. Marie-Anne Mengeot, Nina Toussaint, Michel Konen et Marie-France Hirigoyen, Harcèlement psychologique au travail, RTBF [soci??t?? productrice, (OCLC 502991799, lire en ligne)
  11. « Résultats pour 'mobbing' [WorldCat.org] », sur www.worldcat.org (consulté le )
  12. Gabriella Wennubst, Mobbing, le harcèlement psychologique analysé sur le lieu de travail, décembre 2007 (ISBN 978-2-8399-0344-8).
  13. à titre d’exemple : stress, burn-out, perversion, manipulation, bullying, souffre-douleurs, bouc émissaire, agression, agressivité, relations conflictuelles, inimitiés, méchanceté, conflits de travail, antagonisme, malentendus, brimades, maltraitance, brutalité, critiques, conspiration, complot, cabale, intrigue, harcèlement sexuel, importunité sexuelle, conduites abusives, abus de pouvoir, gestion abusive du personnel, grossièreté, intimidation, pressions, snobisme, incompétences professionnelles ou humaines, manifestations de caractères lunatiques, impolitesses, autoritarisme, représailles, limogeage, mobbing à la suite d'un whistleblowing, bizutage, incivilités, racisme, etc.
  14. « Répertoire des professeurs », sur uqam.ca (consulté le ).
  15. « Eve Seguin », sur theconversation.com (consulté le ).
  16. Eve Seguin, titulaire d'un doctorat en sciences politiques et sociales de l’université de Londres, est professeure au département de science politique de l'université du Québec à Montréal (UQÀM)[14]. Ses recherches portent notamment sur le mobbing académique[15]
  17. Eve Seguin, « Mobbing, ou l’extermination concertée d’une cible humaine », sur acfas,
  18. Lamy Hygiène et Sécurité, Mai 2012, p. 545-54, Wolters Kluwer France.
  19. Entretien Pascale Lagesse, avocat associé Cabinet Bredin Prat et Bruno Lefebvre, Psychologue clinicien, associé fondateur d'un cabinet de conseil en prévention des risques psychosociaux et développement de la qualité de vie au travail : « Le Harcèlement moral, 10 ans après… » : Les Cahiers Lamy du CE, no 111, janvier 2012.
  20. (en) Heinz Leymann et Annelie Gustafsson, « Mobbing at work and the development of post-traumatic stress disorders », European Journal of Work and Organizational Psychology, vol. 5, no 2,‎ 1996, publié en ligne : 14 janvier 2008, p. 251-275 (DOI 10.1080/13594329608414858, présentation en ligne) :

    « A factor analysis of symptom statistics collected through answers from a study representative of the entire Swedish workforce showed post-traumatic stress disorder (PTSD) as the plausible diagnosis. In addition, 64 patients subjected to mobbing at their work places are diagnosed with the co-operation of a rehabilitation clinic specializing in the treatment of chrome PTSD. The statistical analysis of these 64 diagnoses shows a severe degree of PTSD, with mental effects fully comparable with PTSD from war or prison camp experiences. »

Bibliographie

Articles connexes