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Date |
- (6 mois et 10 jours) |
---|---|
Lieu | France et Prusse |
Casus belli | Dépêche d'Ems |
Issue |
Victoire allemande
|
Changements territoriaux |
La Confédération de l'Allemagne du Nord absorbe la Bavière, le Bade, le Wurtemberg et annexe l'Alsace-Lorraine. Création de l'Empire allemand. |
230 000 fantassins[1] 25 000 cavaliers[1] 1 600 000 hommes mobilisés 780 canons 144 canons à balles |
462 000 fantassins[2] 56 000 cavaliers[2] 1 400 000 hommes mobilisés 1 580 canons |
139 000 à 151 000 morts[3] 474 414 prisonniers[Note 1] | 45 000 à 51 000 morts[3] 10 000 prisonniers |
Batailles
La guerre franco-allemande de 1870-1871, parfois appelée guerre franco-prussienne, guerre de 1870 ou guerre de septante, est un conflit qui oppose, du au , la France à une coalition d'États allemands dirigée par la Prusse et comprenant les vingt-et-un autres États membres de la confédération de l'Allemagne du Nord, ainsi que le royaume de Bavière, celui de Wurtemberg et le grand-duché de Bade.
Cette guerre s'inscrit dans le contexte de différentes questions nationales qui poussent les nombreux États allemands à s'unir. La Prusse souhaite réaliser cette union autour d'elle, aux dépens de l'Autriche (qu'elle bat durant la guerre austro-prussienne de 1866) dans un premier temps, et de la France dans un second temps. Cette guerre est considérée par le chancelier Otto von Bismarck comme une réponse à la défaite prussienne lors de la bataille d'Iéna de 1806 contre l'Empire français. Il dira d'ailleurs, après la proclamation de l'Empire allemand à Versailles en 1871 : « Sans Iéna, pas de Sedan ».
L'élément déclencheur du conflit est un démêlé diplomatique mineur (la candidature, retirée à la demande de la France, d'un prince allemand de la maison de Hohenzollern au trône vacant d'Espagne) que Bismarck déforme en un camouflet insupportable pour les dirigeants français de l'Empire. Des maladresses politiques de l'empereur Napoléon III vis-à-vis d'autres pays européens isolent la France, mais le régime pousse à la confrontation avec la Prusse, soutenu par l'opinion publique, autant pour se défaire d'un rival dangereux que pour agrandir le territoire national.
Le , l’Empire français déclare la guerre au royaume de Prusse. Les troupes françaises sont néanmoins mal préparées, moins nombreuses (300 000 contre 500 000, bien plus qu'auguré dans les états-majors car la Prusse réussit à s'allier avec le grand duché de Bade, le royaume de Wurtemberg et celui de Bavière[4]) et manquent d'une stratégie militaire concertée ; les troupes allemandes ont une expérience récente – et victorieuse – du feu (avec les conflits contre le Danemark en 1864 et l'Autriche deux ans plus tard), une artillerie lourde et une excellente formation. Marqué par les innovations techniques concernant le feu, qui permet un tir plus rapide, et le déclin important de la place de la cavalerie, le conflit tourne rapidement à l'avantage des Allemands. Les Français sont défaits à plusieurs reprises début août sur le front de l'Est. L'armée de Châlons vient renforcer le dernier verrou protégeant Paris : la place de Metz ; Napoléon III, qui dirige l'armée jusqu'au , jour où il est défait sévèrement, cède le commandement au général Mac Mahon. Quand il a quitté Paris avec son fils pour la guerre, il a confié la régence à son épouse Eugénie de Montijo. Encerclé à Sedan, l'empereur capitule le .
Cette capitulation entraîne la chute du régime et la proclamation de la République ; le gouvernement provisoire continue la guerre, mais la masse des volontaires rassemblés par ses représentants manque de matériel et d'encadrement. Le gouvernement évite de peu d'être assiégé à Paris et se replie à Tours puis à Bordeaux ; en l'absence de victoires décisives dans le Nord, l'Est, la Bourgogne ou sur la Loire, un armistice est signé le , suivi de la signature de conventions militaires le suivant. Cet armistice et ces conventions militaires ne concernent toutefois pas les opérations militaires dans l'Est de la France car les négociations sur le futur tracé de la frontière franco-allemande n'ont pas encore abouti. L'armistice général intervient le . L'ordre est alors donné à la place fortifiée de Belfort de se rendre, ce qu'elle fait le , l'ennemi lui rendant les honneurs de la guerre. Le traité de paix, signé le à Francfort-sur-le-Main, entérine définitivement la victoire allemande.
Avant même la signature de l'armistice, les États allemands s'unissent en un Empire allemand, proclamé au château de Versailles, le . La victoire entraîne le rattachement au Reich de l'Alsace (excepté l'arrondissement de Belfort dans le Haut-Rhin resté français sous le nom de Territoire de Belfort) et d'une partie de la Lorraine (Moselle actuelle), qui seront rattachées à la France en 1918 à l'issue de la Première Guerre mondiale. Le nouvel empire affirme sa puissance en Europe au détriment de l'Autriche-Hongrie et de la France. Cette dernière doit également supporter l'occupation d'un bon tiers de son territoire jusqu'en 1873 et le paiement d'une indemnité de 5 milliards de francs-or. Du au , la Commune de Paris, ainsi que celles d'autres grandes villes, se soulèvent contre le gouvernement (à majorité monarchiste) ; celui-ci écrase les communards parisiens durant la Semaine sanglante et réprime les autres insurrections jusqu'au .
La défaite et la perte de l'Alsace-Moselle provoquent en France un sentiment de frustration durable et extrême qui contribue à la montée d'un nationalisme revanchard, mais également à une remise en question de l'enseignement des élites françaises. La constitution d'un vaste empire colonial va permettre au pays de retrouver en partie sa puissance mise à mal. Les conséquences des combats modifient également fortement le droit humanitaire international et marquent les esprits des artistes, qui font dans leurs œuvres l'éloge des vaincus.
La guerre franco-allemande[5] s’inscrivit dans le contexte troublé du XIXe siècle où les aspirations nationales de peuples s’exprimèrent à plusieurs reprises sans toujours aboutir à la création d’un État-nation. La Grèce, la Belgique et l’Italie y parvinrent. Grâce à l’intervention militaire de la France contre l’Autriche, un élan unitaire entraîna la fusion des États italiens avec le royaume de Piémont-Sardaigne, à la suite de plébiscites organisés. Le royaume d'Italie fut proclamé par le parlement réuni à Turin, le .
Le projet d'unification allemande prit naissance, quant à lui, avec les Discours à la nation allemande (Reden an die Deutsche Nation) de Johann Gottlieb Fichte qui, en , essaya d'éveiller un sentiment national dans le but de susciter la création d'un État national allemand, sur les ruines du Saint-Empire romain germanique, libérant les Allemands de l'occupation napoléonienne.
En 1834 fut créée une union douanière, le Zollverein, entre la Prusse et une trentaine d’États allemands du Nord, qui permit la construction d'un réseau ferré puissant et le décollage économique de l'Allemagne du Nord par le désenclavement de régions industrielles comme la Ruhr ou la Saxe et l'ascension d'une bourgeoisie libérale, initiatrice du mouvement unitaire. Plusieurs tentatives libérales d'union échouèrent, notamment en 1848.
Napoléon III, devenu empereur des Français en 1852, souhaitait un remaniement de la carte de l’Europe. Selon lui, les mouvements nationaux étaient un facteur d’instabilité qu’il fallait canaliser pour permettre l’avènement d’une Europe nouvelle, rééquilibrée, pacifiée par le respect du principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et de la souveraineté nationale[6].
Tout autre était la vision d’Otto von Bismarck, ministre-président de Prusse, qui, issu de la noblesse terrienne, était conservateur. Selon sa formule[7] :
« L'Allemagne ne s'intéresse pas au libéralisme de la Prusse mais à sa force (…). La Prusse doit rassembler ses forces et les tenir en réserve pour un moment favorable qu'on a déjà laissé passer plusieurs fois. Depuis les traités de Vienne, nos frontières ne sont pas favorables au développement de notre État. Ce n'est pas par des discours et des votes de majorité que les grandes questions de notre époque seront résolues, comme on l'a cru en 1848, mais par le fer et par le sang. »
Pour lui donc, primait la force. Pour réaliser l’unité de l’Allemagne autour de la Prusse, il convenait, en premier lieu, d’éliminer l’Autriche qui présidait la Confédération germanique rassemblant tous les États allemands dans un vaste ensemble dont le poids politique était à peu près nul.
Sous l’impulsion de Bismarck, l’unité allemande ne suivit pas le même cheminement que celle de l’Italie. Après avoir réussi à unifier les États germaniques du Nord en créant la confédération de l'Allemagne du Nord en 1867, Otto von Bismarck souhaita réunir les États catholiques du Sud (notamment la Bavière, le pays de Bade et le Wurtemberg, traditionnellement francophiles) pour créer un nouvel Empire allemand qui aurait alors été une puissance économique et militaire considérable et aurait changé l'équilibre des puissances en Europe, jusque-là dominée par l'Angleterre, la France, l'Autriche et la Russie, mais ce projet ne put aboutir.
Bismarck décida alors de provoquer délibérément l’Autriche pour en découdre militairement. Le , l’armée prussienne battit l’armée autrichienne à Sadowa. En conséquence, l’Autriche se trouva écartée des affaires allemandes.
Voyant se profiler l'éventualité d'un conflit austro-prussien, Napoléon III avait tenté de monnayer sa neutralité en négociant avec Bismarck l'annexion par la France d'une partie de la rive gauche du Rhin jusqu'à Mayence comprise, dans le cas où la Prusse sortait victorieuse du conflit. Parallèlement, il signait avec l'Autriche un traité secret aux termes duquel il garantissait à ce pays sa neutralité et la neutralité de l'Italie en échange de la cession de la Vénétie, qu'il comptait remettre ensuite à l'Italie. La défaite éclair de l'Autriche et l'annexion partielle ou totale par la Prusse d'États allemands alliés de l'Autriche bouleversa les plans de l'Empereur, qui s'était attendu à une longue guerre. Il demanda alors comme compensation le retour à la frontière de 1814, soit l'annexion de la Sarre et du Luxembourg. Bismarck fit échouer ce qu'il appelait la « politique des pourboires » et communiqua au gouvernement bavarois et aux autres États d'Allemagne du sud les visées de la France sur la rive gauche, ce qui ne put que faciliter la négociation d'alliances militaires avec ces États dans l'éventualité d'une guerre contre la France. Napoléon III orienta alors ses revendications sur des territoires non allemands : Belgique et Luxembourg. Bismarck fit semblant de donner son accord puis laissa les négociations sur un traité franco-prussien sur la question s'enliser. Il ne lui resta plus en 1870 qu'à montrer ce projet de traité à la Belgique et au Royaume-Uni pour compromettre irrémédiablement Napoléon III dans l'opinion publique de ces pays[8]. Le gouvernement français dut reculer mais le danger prussien apparut dans toute son ampleur et l’opinion publique française jugea de plus en plus la guerre comme inévitable, tout en se prononçant, comme le faisait remarquer le ministre d'État Eugène Rouher, « dans le sens d'un agrandissement » au profit de la France[6].
Bismarck, lui aussi, pensait qu’un conflit armé avec la France était inévitable, comme il l’a lui-même reconnu dans son livre de souvenirs : « Je ne doutais pas de la nécessité d’une guerre franco-allemande avant de pouvoir mener à bien la construction d’une Allemagne unie »[9]. Cette certitude allait de pair avec la conviction qu’il exprimait ainsi : « Si les Français nous combattent seuls, ils sont perdus ». Ses déclarations sur la nécessité d'une guerre franco-allemande furent résumées en une formule lapidaire mais directe : « Sans Iéna, pas de Sedan »[10].
L'une des causes de la guerre fut le jeu politique des classes dominantes autour du trône d'Espagne, vacant depuis la révolution de .
Le , poussé par Bismarck[11],[12],[13],[14], Léopold de Hohenzollern-Sigmaringen, un cousin catholique du roi Guillaume Ier de Prusse, accepta l'offre que lui faisait le général Prim, l'homme fort du gouvernement espagnol, d'être candidat au trône d'Espagne[15].
Cette candidature souleva les craintes de la France d'être « encerclée » par une possible coalition rappelant l'empire de Charles Quint, mais ce fut la surenchère politique dans le cadre des luttes d'influence sur la scène européenne (surtout après l'échec de l'intervention française au Mexique) qui, le , poussa le duc de Gramont, ministre des Affaires étrangères de Napoléon III, à annoncer que la France s'opposait à cette candidature.
Le roi de Prusse, soucieux de ne pas déclencher un conflit européen, fit pression pour que Léopold de Hohenzollern-Sigmaringen retirât sa candidature. Il le fit par une déclaration de son père le Prince Antoine (dont la famille avait été favorisée par Napoléon Ier), le , afin d'apaiser les tensions diplomatiques.
Le roi Guillaume Ier de Prusse approuva la renonciation du prince au trône d'Espagne. Cependant, la France voulait obtenir la garantie qu'aucun autre prince de la maison Hohenzollern ne prétendrait jamais plus au trône d'Espagne. L'ambassadeur de France, Vincent Benedetti, fut reçu, le , à Ems par le roi de Prusse qui lui confirma son approbation du retrait du prince mais ne voulut pas s'engager plus avant (pour ne pas céder aux exigences françaises), considérant l'affaire comme close. Il refusa courtoisement d'accorder une seconde entrevue à l'ambassadeur lui faisant savoir qu'il « n'a plus rien d'autre à dire à l'ambassadeur ». L'ambassadeur de France alla cependant saluer le roi de Prusse avant son départ pour Berlin. La situation semblait donc s'apaiser.
Cependant, Bismarck, bien informé des réalités de l'armée française, fort peu préparée à une guerre européenne et démoralisée par le désastre de l'expédition au Mexique, en avait décidé autrement. Après concertation avec le chef d'état-major des armées Moltke, il adressa aux chancelleries étrangères un récit tronqué de l'entretien entre Guillaume Ier et l'ambassadeur de France, c'est la « dépêche d'Ems », qui laissait croire à un congédiement humiliant de l'ambassadeur, espérant que « ce texte fera sur le taureau gaulois l'effet d'un chiffon rouge »[16]. En effet, il provoqua, à Paris, l'indignation de l'opinion. Cette dépêche est débattue au palais Bourbon, le député Emmanuel Arago mit en garde : « Si vous faites la guerre, c’est que vous la voulez à tout prix ! ». Un nouveau mensonge implicite troubla les cartes. La commission chargée de statuer sur les suites à donner à la dépêche d’Ems demanda à Émile Ollivier, chef du gouvernement, sur quels alliés la France pouvait compter en temps de guerre. Celui-ci joua la carte du secret d’État pour faire silence. Son rapporteur, Talhouët, fit en séance le compte rendu des travaux de la commission, la disant animée par une aveugle confiance. Léon Gambetta remonta à la tribune, ne comprenant pas pourquoi une telle fermeté ne fut pas appliquée à Sadowa : « Ce sentiment tardif et ce changement de conduite, il faut que vous en donniez les raisons devant l’Europe. Vous lancez la France dans une guerre qui verra la fin du XIXe siècle consacrée à vider la question de la prépondérance entre la race germanique et la race française et vous ne voulez pas que la France et l’Europe puissent savoir s’il y a réellement outrage pour la France ! »[4].
Un député conservateur, d’Andelarre, résuma cette séance en disant : « C’est ainsi qu’une Chambre fut amenée à voter une guerre terrible, sans armée, sans allié, sans raison, sans prétexte, ainsi que nous le savions bien, lorsque nous demandions, sans nous lasser, la communication des pièces qu’on nous refusait impitoyablement ».
L'Association internationale des travailleurs dénonça cette guerre : « une fois encore, sous prétexte d'équilibre européen, d'honneur national, des ambitions politiques menacent la paix du monde. Travailleurs français, allemands, espagnols, que nos voix s'unissent dans un cri de réprobation contre la guerre ! (…) La guerre ne peut être aux yeux des travailleurs qu'une criminelle absurdité »[17].
De façon anecdotique, Mariano Melgarejo, président de la république de Bolivie, voulut envoyer des troupes pour protéger Paris mais son pays enclavé n'avait pas de moyen de transport[18].
La presse parisienne dénonça l'affront de la « dépêche d'Ems », telle que réécrite par Bismarck. La mobilisation, arrêtée secrètement le , fut signée le 14. Le 15, elle fut approuvée par le Corps législatif. Malgré les ultimes avertissements d'Adolphe Thiers (« Vous n'êtes pas prêts ! », criait-il aux parlementaires belliqueux), le Corps législatif français vota aussi les crédits de guerre. Le , le maréchal Bazaine fut placé à la tête du 3e corps de l'armée du Rhin. Il reçut autorité sur les armées des généraux Frossard et Ladmirault ainsi que sur la Garde impériale. Le général Chabaud-Latour fut chargé de la défense de Paris.
Le , le républicain Émile Ollivier, vice-président du Conseil, dit, devant le Corps législatif, accepter la guerre « d'un cœur léger »[19]. Peu se rendaient compte que l'armée française était mal préparée à cette guerre : « nous sommes prêts et archi-prêts, la guerre dût-elle durer deux ans, il ne manquerait pas un bouton de guêtre à nos soldats », déclara Edmond Le Bœuf, maréchal de France et ministre de la Guerre, à la Chambre des députés le [20]. Le , lors d'un rassemblement populaire d'étudiants et d'ouvriers à la Bastille, poussé par l'opinion publique, Émile Ollivier annonce la guerre à la Prusse (la déclaration devient officielle deux jours plus tard).
Le , la France déclara formellement la guerre à la Prusse[21]. Cette décision provoqua un rassemblement enthousiaste des Parisiens devant le palais des Tuileries. Des travaux furent entrepris au fort du Mont-Valérien, aux forts de Montrouge, de Bicêtre, d'Ivry, de Vanves, d'Issy, puis le aux forts de l'Est, et à Saint-Denis ; plus d'une vingtaine de redoutes furent construites.
Les élites françaises étaient très confiantes dans leur armée et se faisaient des illusions sur ses chances de succès. Lors de la défaite de Wissembourg, le , la Bourse de Paris resta stable. Elle ne chuta que plus tard, lorsqu'elle fut suivie par une série d'autres défaites, l'emprunt public à rendement de 3 % dégringolant de 13 %, d'un cours de 61,7 à 53,95[22].
Les États allemands du Sud, à savoir le royaume de Bavière, le royaume de Wurtemberg, le grand-duché de Bade et le grand-duché de Hesse, prirent alors parti pour la Prusse qui était sur le point d'être agressée et rejoignirent les forces de la confédération de l'Allemagne du Nord[21].
La faiblesse majeure de l’armée de Napoléon III était son impréparation à faire la guerre : le système de recrutement était déficient et les difficultés logistiques liées à la mobilisation ne permirent d'aligner que 300 000 soldats de métier au début du conflit. La Garde nationale mobile mobilisée n'était pas en mesure de résister à l'ennemi.
L'armée française est dirigée par l'empereur en personne jusqu'au , jour où il sait que la guerre est perdue. « L’accès à des documents inédits a permis de montrer par exemple que, loin de tergiverser, thèse défendue après 1918 par les historiens, Mac Mahon avait un plan tactique qui pouvait réussir. Il est démontré également que la guerre était perdue sur le plan tactique les 6 et , c’est-à-dire quand les Marsouins et les Bigors (l’artillerie des Troupes de Marine) viennent ouvrir un nouveau front pour dégager la route de Metz. Napoléon III le sait : ce jour-là, il renvoie l’Aiglon à Paris et cède le commandement aux militaires. Il s’était improvisé commandant en chef mais ses capacités militaires de capitaine d’artillerie de l’armée suisse sont insuffisantes pour approcher le génie des situations de combat nécessaire à la victoire »[4]. Il cède alors le commandement aux généraux. Lors de situations critiques, voire désespérées, ce fut du sacrifice des soldats que dépendit le salut de l’armée[23].
Au début du conflit, la France disposait de 265 000 soldats réunis dans l'armée du Rhin contre 500 000 soldats prussiens, auxquels s'ajoutaient les forces de quatre États allemands du Sud : Bavière, Bade, Hesse et Wurtemberg[4], soit un total de 800 000 soldats[27]. La mobilisation terminée, les troupes françaises comptaient 900 000 soldats contre 1 200 000 soldats allemands et prussiens.
La victoire de la France sur l'Autriche en 1859 fit illusion, car lors de la campagne, l'armée française n'avait pas de plan de manœuvre et sa logistique était improvisée.
En Allemagne, sous l’influence du maréchal von Moltke, un état-major s'était constitué. L'armée prussienne était formée de conscrits disciplinés, instruits, bien entraînés. Les effectifs atteignaient 500 000 hommes, avec une expérience récente du feu : contre le Danemark (1864) et contre l’Autriche (1866). L'armée prussienne disposait, en outre, d’une artillerie lourde. Dans le conflit, elle choisit de concentrer ses troupes sur des points précis, plutôt que de les disperser. Ces deux principes compensèrent largement les faiblesses du fusil allemand Dreyse et du fusil bavarois Werder, face aux qualités du Chassepot français.
Les armées de la confédération de l'Allemagne du Nord, des États de Bavière et de Wurtemberg, de Bade et de Hesse-Darmstadt sont organisées selon le modèle prussien. Les réserves sont constituées de longue date et le commandement est formé de généraux et d'états-majors entraînés par des exercices annuels.
Les troupes françaises étaient au départ composées de 8 corps d'armées qui regroupent 23 divisions d'infanterie et 6 divisions de cavalerie.
L'organisation des corps d'infanterie est réglée par l'ordonnance du . Cette arme se compose, indépendamment des corps faisant partie de la Garde impériale, de :
La réserve est formée de la garde nationale mobile (les « moblots ») et de la garde nationale sédentaire qui sont de formation récente et dont la valeur combative, variable, est inconnue à la déclaration de la guerre car elle n'est bien souvent pas équipée ni armée[28], encore moins entraînée.
Au début de la campagne de 1870, l'armée française compte 63 régiments de cavalerie, répartis en cavalerie légère (chasseurs et hussards), cavalerie de ligne (dragons et lanciers) et cavalerie de réserve (cuirassiers et carabiniers), ainsi que la cavalerie d'Afrique (chasseurs d'Afrique et spahis).
La cavalerie française est moins bien utilisée que celle des Prussiens dans le domaine de la reconnaissance, et le commandement croit encore à sa puissance de choc. En fait, l'artillerie prussienne (obus percutants) et les fusils modernes à tir rapide brisent les charges désormais inefficaces.
Le canon de campagne français ou « pièce de 4 » utilisait surtout des obus fusants — réglés avant le chargement dans le canon, pour seulement trois distances d'éclatement possibles — plutôt que des obus percutants, explosant à l'impact. Cette infériorité technique greva la « pièce de 4 » de manière rédhibitoire par rapport aux effets du canon Krupp. L'infériorité de l'artillerie française, d’après le général Suzanne, directeur de l’artillerie en 1870, découlait aussi du mode d'emploi de l’artillerie : dispersion excessive de l'artillerie avec absence de grande batteries, duel avec l’artillerie adverse avec pour seul résultat d'attirer sur elle une concentration des batteries ennemies. Une seule grande batterie fut constituée par le colonel de Montluisant à Saint-Privat le . Elle infligea de fortes pertes à la garde prussienne.
Il faut également citer les canons à balles de Reffye, ces mitrailleuses qui tiraient environ 75 coups à la minute. Chaque fois que les officiers, commandant ces batteries de mitrailleuses à 6 pièces, comprennent qu’il valait mieux ne pas engager la lutte contre l’artillerie adverse mais contre l’infanterie, des résultats spectaculaires sont obtenus. Il semble même que la majorité des pertes prussiennes infligées par l'artillerie française leur soit imputable.
Le fusil Chassepot modèle 1866 français, avec une munition de calibre 11 mm, a une portée utile de 600 mètres, est supérieur au fusil Dreyse équipant l'armée allemande et au Werder bavarois. Ce dernier a une munition de calibre 15 mm qui est moins puissante et moins précise. Par surcroît, l'effet vulnérant de la balle Chassepot était dévastateur. Plus de 80 % des pertes infligées aux troupes adverses en 1870-1871 ont été imputées, après la guerre, aux effets du fusil Chassepot.
La dotation du fantassin français est de 134 cartouches par homme, 90 dans le sac, 24 à la réserve divisionnaire, et 20 dans les caissons de parc du corps d'armée. À la veille de la guerre, la France disposait d'un stock de 1 037 000 fusils Chassepot modèle 1866[29], 122 000 autres de ces fusils furent produits entre Septembre 1870 et Février 1871.
Le revolver Lefaucheux modèle 1870 de marine, avec un calibre de 12 mm, est employé durant le conflit de 1870 avec des cartouches de 12 mm à broches. Son rechargement est lent du fait de sa conception. En effet, la portière de rechargement ne permet d'insérer qu'une seule cartouche à la fois.
Tunique en drap bleu foncé à deux rangées de boutons ; col jonquille avec passepoil bleu ; parements bleus avec passepoils jonquilles ; épaulettes écarlates ; boutons en cuivre avec le numéro du régiment ; pantalon garance tombant droit sur le cou-de-pied ; guêtre en cuir ou de toile blanche selon la tenue ; le képi garance avec bandeau bleu portant le numéro du régiment décoré en drap jonquille ; pompon à flamme écarlate ; jugulaire en cuir ; grand équipement en cuir noir.
Les troupes allemandes sont composées de 16 corps d'armées qui regroupent 32 divisions d'infanterie et 8 divisions de cavalerie. Elles disposent de services de chemin de fer et de télégraphe.
Les régiments d'active sont commandés par des officiers entraînés à leurs responsabilités. Les réserves constituées depuis longtemps disposent de corps d'infanterie, de cavalerie et d'artillerie.
Le canon Krupp prussien en acier se charge par la culasse, tandis que son homologue français est en bronze et se charge par la bouche. Ces avantages sont cependant limités par la qualité du métal et les deux types de canons sont rayés. En revanche, la cadence de tir du canon Krupp est nettement supérieure et la portée du canon Krupp est de 6 km contre 4 km pour les canons français. La supériorité prussienne vient aussi de l'utilisation d'obus percutants plutôt que fusants (qui explosent au contact du sol plutôt qu'après un temps fixe).
Les fusils Dreyse ont une portée et une précision moindre que les Chassepot français, mais l'armée prussienne est beaucoup plus entraînée et son commandement beaucoup mieux hiérarchisé, avec un système de transmissions efficace, conformément aux doctrines de l'Académie de guerre de Prusse[30].
La guerre franco-allemande marqua le déclin irrémédiable de l'usage de la cavalerie en Europe, désormais brisée par la puissance de feu et la rapidité de tir des fusils, mitrailleuses et de l'artillerie (chargement par la culasse), alors que celle-ci avait dominé les champs de bataille pendant 150 ans (contrairement à la guerre de Sécession qui presque au même moment s'articulait notamment sur une utilisation de la cavalerie)[31].
Très mal préparés, le plus souvent inférieurs en nombre et très mal commandés, les Français furent sévèrement battus dans plusieurs batailles, où ils firent cependant quelquefois preuve de calcul froid et de charge inutile. Menacé d'encerclement par l'armée du Kronprinz à Frœschwiller, Mac Mahon sacrifia sa cavalerie pour dégager un axe de retraite vers Metz et Verdun : à la bataille de Frœschwiller-Wœrth, les régiments cuirassiers chargèrent dans Frœschwiller et Morsbronn où ils furent écrasés par les coalisés : des premier et deuxième régiments de cuirassiers il ne resta que peu de survivants[32].
Début , Napoléon III établit son quartier général avec son état-major et le général Mac Mahon dans le château de Saint-Brice-Courcelles près de Reims.
Le , la bataille de Saint-Privat se solda par une défaite des armées françaises.
Après les défaites de Saint-Privat et de Gravelotte, le maréchal Bazaine est assiégé dans Metz à partir du avec 180 000 soldats, 6 000 officiers, 1 650 canons, 6 000 à 10 000 chevaux, 278 000 fusils, 3 millions d'obus, 23 millions de cartouches[33].
Le , à Sedan, après une défense héroïque des troupes de marine à Bazeilles, l'empereur des Français Napoléon III capitula avec 39 généraux, 70 000 à 100 000 soldats, 419 à 650 canons, 6 000 à 10 000 chevaux, 553 pièces de campagne et de siège et 66 000 fusils. L'organisation de l'armée impériale française était anéantie, le gros des unités de l'armée régulière était alors hors de combat.
La capitulation de Napoléon III provoqua un soulèvement populaire à Paris, la chute du Second Empire et la proclamation de la République, le . Un gouvernement provisoire fut aussitôt créé.
Le général Trochu, chef du Gouvernement de la Défense nationale, et Léon Gambetta, ministre de l'Intérieur et de la Guerre, tentèrent de réorganiser ce qu'il restait des armées françaises en déroute pour tenter de redresser la situation.
Le gouvernement choisit de rester dans Paris menacée d'encerclement par les troupes prussiennes et leurs alliés. Il décida néanmoins la création d'une délégation gouvernementale qui s'installa à Tours le . Elle était dirigée par Adolphe Crémieux, ministre de la Justice, assisté d'Alexandre Glais-Bizoin et de l'amiral Fourichon. La mission de ces hommes était de coordonner les actions en province pour tenter de vaincre l'ennemi.
Le siège de Paris se déroula du au .
Le au matin, le bombardement d'artillerie commença sur les forts de l'Est (Rosny-sous-Bois, Noisy-le-Sec, Nogent-sur-Marne), puis sur les forts du Sud (Bicêtre, Montrouge, Vanves, Issy-les-Moulineaux). Dans la nuit du 5 au , les bombardements sur Paris commencèrent[34].
Les seuls moyens pour transmettre des informations entre Paris et la province étaient l'utilisation de pigeons voyageurs et de ballons montés.
De Paris encerclée, plusieurs tentatives de sortie pour desserrer l'étau prussien furent entreprises :
d Deuxième bataille de Châtillon () ;
Le soulèvement du 31 octobre 1870 contre le gouvernement obligea celui-ci à organiser un plébiscite le . Les résultats du vote renforcèrent le gouvernement qui organisa des élections municipales deux jours plus tard.
Le soulèvement du 22 janvier 1871 visant à empêcher le gouvernement de capituler échoua. Un armistice fut signé avec l'Allemagne, le , il entra en vigueur le 28.
Il apparut au gouvernement qu'une personnalité forte était nécessaire pour diriger la délégation de Tours. Gambetta, sollicité par ses collègues ministres, quitta Paris en ballon monté[Note 2], accompagné d'Eugène Spuller, le , pour organiser la défense nationale. Il rejoignit ses trois collègues à Tours le .
Un fort mouvement patriotique toucha tous les milieux politiques et déborda même les frontières. Il alla des Vendéens royalistes aux Chemises rouges de Garibaldi[35]. Des volontaires s'engagèrent, des bataillons de « mobiles » de la Garde nationale[36] se confondirent avec les territoriaux et firent face à l'ennemi. Des francs-tireurs[35] harcelèrent les arrières de l'armée allemande. Mais, faute de cadres, d'équipement et de formation militaire suffisants, ces volontaires ne furent pas en mesure de vaincre les troupes allemandes aguerries.
À Metz, le maréchal Bazaine capitula le , livrant aux Prussiens 170 000 à 180 000 soldats, 1 660 canons, 278 000 fusils.
Gambetta organisa la résistance depuis Tours. Il reconstitua trois armées : l'armée du Nord, l'armée de la Loire et l'armée de l'Est. Une quatrième armée, l'armée des Vosges était formée majoritairement de soldats étrangers s'étant mis au service de la France. Ces quatre armées combattirent sur différents fronts.
Le , Bazaine capitula à Metz libérant la IIe armée allemande qui se porta au-devant de la première armée de la Loire du général Aurelle de Paladines. Celui-ci fut d'abord vainqueur des Bavarois à Coulmiers, à l'ouest d'Orléans, le mais il fut ensuite battu le à Loigny et le près d'Orléans. L'armée allemande attaqua alors la deuxième armée de la Loire, confiée au général Chanzy, qui fut battue le au Mans. L'armée de la Loire se replia alors derrière la Mayenne.
Giuseppe Garibaldi, général républicain italien, se mit à la disposition du gouvernement de la Défense nationale ; il débarqua le à Marseille. Aucun officier supérieur français n'accepta d'être sous ses ordres. Gambetta lui confia le commandement de tous les corps francs de la zone des Vosges, de Strasbourg à Paris et une brigade de gardes mobiles. L'armée des Vosges était composée de coloniaux, de gardes nationaux originaires des Alpes-Maritimes et de Savoie, de corps francs (Est et Sud-Est de la France), de volontaires étrangers (polonais, hongrois, espagnols, américains et, surtout, italiens) : initialement moins de 4 000 hommes mal armés, mal équipés pour passer l'hiver. Garibaldi était accompagné de ses deux fils, Ricciotti et Menotti et de son gendre, Stefano Canzio.
Le , Ricciotti Garibaldi infligea une défaite aux Prussiens du général Werder à Châtillon-sur-Seine. Dijon était occupée depuis le . Le , les Prussiens évacuèrent la ville étant informés de l'arrivée des troupes régulières françaises menées par le général Bourbaki. Les Prussiens attaquèrent Dijon les 21, 22 et . Garibaldi sortit victorieux de la bataille tandis que Ricciotti s'emparait d'un drapeau du 61e régiment poméranien. Un armistice entra en vigueur le .
L'armée du Nord fut dirigée par le général Bourbaki puis par le général Farre qui fut remplacé par le général Faidherbe, le . Après la bataille d'Amiens, suivie de la bataille de l'Hallue, du siège de Péronne et de la bataille de Bapaume, en , le général Faidherbe livra une dernière bataille à Saint-Quentin qui se solda par un échec puis battit en retraite à l'abri des places fortes de Cambrai et Lille, sans être vraiment inquiété par le général von Goeben. Paris ne put être secourue, cependant l'action de Faidherbe permit aux départements du Nord et du Pas-de-Calais de ne pas être envahis.
Du côté du département de la Seine inférieure, en Normandie, les villes du Havre et de Rouen se préparent à leur façon à l'avancée prussienne. D'un coté nous avons le Havre, plutôt très réactive, envoyant une délégation à Paris pour demander de l'aide[37]. De l'autre côté nous avons la ville de Rouen, jugée plutôt passive dans la prise de décision concernant sa défense[38]. Une vraie opposition se crée entre les deux villes dans la gestion de la guerre. Mais rapidement, la reddition de Bazaine à Metz le 27 octobre renforce la présence allemande et les défaites de l'armée du Nord. L'armée prussienne, dirigée par le général Manteuffel, descend vers Rouen [38]. Cette série d'évènements finit par réveiller l'autorité rouennaise, qui n'hésite pas à faire appel à l'amiral Mouchez chargé des défenses du Havre. Mais alors qu'a lieu une série de défaites au nord du chef-lieu et que se développe la rumeur d'une percée du lors du siège de Paris vers décembre, les travaux de défense sont inachevés et l'armée mal préparée.
Devant cette situation, le général Briand ne croit pas à la défense de la ville mais refuse de la livrer sans combattre. Rapidement, le général se heurte au conseil municipal[38], si bien que le 5 décembre 1870, voyant que la mobilisation n'était pas suffisante, il décide de se replier vers le Havre. Ainsi, les Prussiens occupèrent Rouen sans combat.
À la suite de l'occupation de Rouen, c'est la consternation qui domine au Havre[37]. Avec la prise de cette ville, de nouvelles tensions vont éclater entre la ville normande et le gouvernement de Tours concernant sa propre défense. Pour autant, le Havre va être d'une résistance assez efficace dans le département.
À l’est, Bourbaki, après une victoire à Villersexel, échoua dans sa tentative de libérer Belfort assiégée : son offensive fut stoppée à Héricourt et Montbéliard. Il fut remplacé le , à la suite d'une tentative de suicide, par le commandant du 20e corps, le général Clinchant, qui, encerclé par les Allemands, n’eut d’autres ressources que de négocier avec le général suisse Hans Herzog l'entrée des soldats français désarmés en Suisse, le , ce qui provoqua la disparition de l’armée de l’Est.
Néanmoins, de durs combats eurent lieu au défilé de la Cluse (au sud de Pontarlier) où des troupes françaises se firent massacrer courageusement[style à revoir] pour sauver le gros de l’armée. D’autres généraux dont Camille Crémer et Pallu de la Barrière ainsi que l'amiral Penhoat réussirent à passer le massif du Jura enneigé avec plusieurs milliers d’hommes et à rejoindre Lyon par Gex. Les forts de Joux et du Larmont ne se rendirent que le après avoir occasionné de lourdes pertes aux Allemands.
L'organisation de la Défense nationale connut des ratés. Gambetta, en tant que ministre de la Guerre, décida de créer onze camps régionaux (Les Alpines, Bordeaux, Cherbourg, Clermont-Ferrand, Conlie, Montpellier, Nevers, La Rochelle, Saint-Ouen, Sathonay et Toulouse) où les nouvelles recrues reçurent une formation avant de combattre. Le général de Kératry avait constitué une armée de Bretagne forte de 60 000 volontaires bretons qui furent rassemblés au camp de Conlie à 24 km du Mans. En raison de leur nombre, les hommes étaient répartis au hasard des routes voisines du camp. Ils attendirent en vain des carabines américaines qui étaient bloquées, faute d'en avoir payé les droits de douane, à Brest.
Gambetta, craignant une renaissance de la chouannerie royaliste, regarda avec méfiance cette armée. Son hébergement, son ravitaillement et son équipement furent négligés. Elle fut décimée par la dysenterie. Une partie de ces volontaires bretons fut incorporée à la IIe armée de la Loire et participa à la bataille du Mans, dernière défaite avant l'armistice[6].
Le , la Délégation du Gouvernement de la Défense nationale de Tours fut transférée à Bordeaux.
À la déclaration de guerre, un blocus de l'Allemagne par ses côtes maritimes fut décidé à Paris. La Norddeutsche Bundesmarine, fondée à partir de la flotte prussienne, ne pouvait s'y opposer, mais la marine française n'était pas opérationnelle (manque de charbon, de réservistes qui devaient servir sur les 470 navires français difficiles à mobiliser). Le blocus de Wilhelmshaven s’avéra ainsi inefficace. À partir de , la mer devenant trop impraticable, la flotte française regagna les ports de la Manche et n'en sortit plus.
Un débarquement sur la côte de la Baltique fut envisagé, cette diversion avait pour but de soulager la pression sur l'Alsace et la Lorraine, mais aussi d'amener le Danemark à déclarer la guerre à la Prusse. Mais l'idée s’avéra impossible à mettre en œuvre ; les défenses côtières allemandes (canons Krupp à longue portée) et la géographie de la mer des Wadden n'avaient pas été correctement évaluées.
Les troupes de Marine furent redéployées au camp de Châlons et participèrent à la bataille de Sedan. Une grande partie de l'armée étant prisonnière à Metz, la Marine fournit les officiers et sous-officiers qui encadrèrent les Gardes mobiles et les forts de Paris.
Les seuls combats navals se résumèrent au combat entre le Bouvet et le Meteor devant La Havane en , au blocus du Herta par le Dupleix en rade de Nagasaki, au forçage du blocus de Wilhelmshaven par la corvette Augusta, à la capture de trois navires marchands au large de Brest, de Rochefort et à l'embouchure de la Gironde, et à une poursuite menée par la frégate L'Héroïne qui s'acheva par le refuge d'un navire allemand dans le port espagnol de Vigo.
Ce qui restait des armées françaises tenta de résister et parvint à faire reculer l'ennemi, notamment sur la Loire et dans le Nord, mais, très affaiblies, elles durent battre en retraite sur tous les fronts en . L'armée de la Loire, commandée par Chanzy, fut vaincue au Mans, l'armée de l'Est, commandée par Bourbaki, fut stoppée à la bataille d'Héricourt et ne put rejoindre Belfort, l'armée du Nord, commandée par Faidherbe, fut vaincue à Saint-Quentin et les Parisiens le furent à Buzenval. Seules Belfort et Bitche, assiégées, tenaient bon.
Le , le gouvernement de la Défense nationale se résolut à demander l'armistice, dont il avait une première fois repoussé les conditions en septembre lors de l'entrevue de Ferrières.
Le manque de vivres, le bombardement quotidien et la succession des échecs militaires provoquèrent une agitation croissante de la population parisienne qui fit craindre au gouvernement provisoire une prochaine révolte. Il décida donc de cesser le combat au plus vite.
Le , des Parisiens excédés par la faim et les bombardements réclamèrent l'élection d'une commune ; une fusillade éclata entre manifestants et gardes nationaux, faisant cinq morts et une vingtaine de blessés.
Pressé d'en finir, le gouvernement adressa secrètement, le lendemain, une demande de négociation à Bismarck. Le un armistice[5],[39] était signé et aussitôt appliqué. Le furent signées les conventions militaires[6].
L'armistice et les conventions militaires signés respectivement les 26 et , ne concernaient toutefois pas les opérations militaires dans l'Est de la France car les négociations sur le futur tracé de la frontière franco-allemande n'avaient pas encore abouti. L'armistice général intervint le . L'ordre fut alors donné à la place fortifiée de Belfort de se rendre, ce qu'elle fit, le , l'ennemi lui rendant les honneurs de la guerre.
Le conflit fait 139 000 morts dans les rangs français (combat ou maladie)[40] et 51 000 morts côté allemand[3].
Bien que victorieuse dans la quasi-totalité des combats, l'armée allemande perdit parfois plus de soldats que la France. La victoire prussienne de la bataille de Saint-Privat où les Allemands eurent 20 000 tués, blessés et disparus contre 12 000 Français, est bien représentative. De plus les Allemands progressaient à travers un pays résolument hostile : l’action des francs-tireurs fut très forte et entraîna une psychose dans l’armée allemande[41].
La variole a ravagé les deux armées. Cependant, les Prussiens, qui connaissaient l'efficacité du rappel antivariolique, ont eu nettement moins de pertes dues à cette maladie. En effet, sur 8 500 Prussiens contaminés, 450 en sont morts (5 %), alors que les Français, qui ne connaissaient pas la nécessité du rappel du vaccin, ont eu 125 000 contaminations et 23 500 décès (19 %).
Le nombre de prisonniers de guerre français fut exceptionnellement élevé. En , Jules Favre, ministre des affaires étrangères, donnait l'estimation suivante : 509 000 combattants français prisonniers dont 420 000 détenus en Allemagne, 4 000 internés en Belgique et 85 000 en Suisse contre 35 000 soldats allemands faits prisonniers.
La plupart des prisonniers français restèrent captifs en Allemagne de 2 à 10 mois, certains ne revenant que plusieurs mois après la fin de la guerre et le traité de paix.
18 000 prisonniers français morts dans les camps sont enterrés en Allemagne.
Conformément aux clauses de l'armistice, une Assemblée nationale est élue au suffrage universel le . Cette assemblée est majoritairement monarchiste et favorable à la paix. Elle investit le un gouvernement dirigé par Adolphe Thiers.
La France dut céder à l'Allemagne l'Alsace, française depuis les traités de Westphalie (1648) et Ryswick (1697), les territoires annexés par Louis XIV dont Strasbourg en 1681, ainsi que Metz, française depuis le siège de 1552, soit tout ou partie de cinq départements de l'Alsace et de la Lorraine :
Elle dut également payer une indemnité de guerre de 5 milliards de francs-or. Les historiens Jean-Pierre Azéma et Michel Winock soulignent que le montant exigé « représentait beaucoup plus que ce que la guerre avait coûté aux Allemands : ce n’était pas une simple « indemnité », c’était un tribut »[42]. Les troupes allemandes occupèrent une partie de la France, jusqu'à ce que le total du tribut soit versé en .
L'agrandissement devait concerner la Moselle et l'Alsace dont le Territoire de Belfort, mais étant donné la résistance jusqu'au bout des troupes françaises du colonel Denfert-Rochereau lors du siège de Belfort, ce territoire resta à la France en contrepartie d'autres territoires lorrains, notamment les villages correspondant au champ de bataille de Saint-Privat : « le tombeau de ma garde » disait Guillaume Ier de Prusse.
La capitulation de Sedan provoqua deux jours plus tard, le à Paris, une révolution sans violence. La déchéance de l'empereur Napoléon III fut votée par le Corps législatif et Léon Gambetta proclama la république à l'hôtel de ville de Paris. Un Gouvernement de la Défense nationale se forma pour continuer la guerre.
Au niveau colonial, la France qui était déjà présente en Extrême-Orient depuis la conquête de la Cochinchine, dut cesser toute expansion dans la péninsule indochinoise jusqu'aux années 1880, date à laquelle les conquêtes coloniales reprirent. En Afrique, l'expansion des conquêtes coloniales autour du Sénégal furent aussi ralenties, tout comme la pénétration du Sahara au sud de l'Algérie.
La guerre franco-prussienne eut pour conséquence indirecte l'achèvement de l'unité italienne. Pendant le Second Empire, les troupes françaises protégeaient la ville de Rome qui restait ainsi sous la souveraineté pontificale. Après l'évacuation des troupes françaises du fait de la guerre avec la Prusse, Rome fut annexée (le ) par l'Italie et devint la capitale du pays. Le pape cessa d'être un souverain temporel jusqu'à la signature des Accords du Latran de 1929 qui lui accordèrent la souveraineté sur la cité du Vatican.
La conséquence immédiate de la guerre de 1870 fut l'avènement de l'Empire allemand — l'Allemagne bismarckienne — et donc d'un pays unifié en tant que nation et en tant qu’État, qui domina l'Europe continentale pendant près de trente ans devenant progressivement la première puissance industrielle du continent[43].
La politique du chancelier Bismarck fut dès lors d'isoler diplomatiquement la France.
La guerre avait uni tous les territoires allemands sous l'autorité de la couronne prussienne, dans le combat contre l'agresseur français. Le roi de Prusse fut proclamé empereur, le , dans la galerie des Glaces du château de Versailles. La politique de Bismarck avait triomphé. Bismarck aurait choisi Versailles en représailles de la décision de Louis XIV de mettre à sac le Palatinat[44].
L'Allemagne décida, en outre, d'annexer l'Alsace-Lorraine (l'Alsace et la Moselle actuelle), qui demeurèrent allemandes jusqu'à la fin de la Première Guerre mondiale.
Profitant de la distraction de la guerre franco-prussienne, l'Empire russe avait commencé en la reconstruction de ses bases navales en mer Noire, une violation flagrante du traité qui avait mis fin à la guerre de Crimée 14 ans plus tôt[45]. Après la paix de Francfort de 1871 naît un rapprochement entre la France et la Russie. « Au lieu de tisser des liens avec la Russie à l'est et de paralyser davantage la France à l'ouest, l'erreur de calcul de Bismarck avait ouvert la porte à de futures relations entre Paris et Saint-Pétersbourg. Le point culminant de cette nouvelle relation sera finalement l'Alliance franco-russe de 1894 ; une alliance qui fait explicitement référence à la menace perçue de l'Allemagne et à sa réponse militaire »[46].
La déception face à la défaite, l’hostilité vis-à-vis de l’Assemblée récemment élue, à majorité monarchiste ainsi que certaines mesures prises par celle-ci ou par le gouvernement renforcèrent un climat d’agitation, à Paris, au sein de la Garde nationale et des milieux populaires. Une insurrection éclata à Montmartre, le , alors que des troupes régulières essayaient, sur ordre du gouvernement, de saisir des canons de la Garde nationale. Une autorité insurrectionnelle se mit en place : la Commune de Paris. Avec l'accord tacite des Prussiens, elle fut combattue puis écrasée lors de la « Semaine sanglante » (21-) par le gouvernement investi par l'Assemblée nationale, qui était replié à Versailles depuis le .
L'avènement d'un régime républicain en France suscita la méfiance des monarchies européennes. Isolée en Europe, la France s'employa à constituer un vaste empire colonial, gage de sa puissance[47] mais elle fut malgré tout en proie au sentiment douloureux d'une revanche à prendre, terreau d'un nationalisme qui perdura une vingtaine d'années. Toutefois, ce sentiment perdit progressivement de sa force et se réduisit ensuite à une nostalgie des « provinces perdues » jusqu'à la fin du XIXe siècle[48].
Cependant, à partir de la crise boulangiste, un nationalisme revanchard se développa, dans une partie de la presse et l'opinion française, renforcé par l'affaire Dreyfus. Il se diffusa pendant la Belle Époque et conduisit après l'assassinat de Jean Jaurès, partisan de la paix, le , au ralliement des pacifistes à l'Union sacrée et à la Première Guerre mondiale.
Cette défaite provoqua un véritable traumatisme au sein des sphères intellectuelles françaises dans les années 1870, forcées malgré elles de constater la faillite collective et morale de leurs élites dans le cadre de la guerre franco-allemande. Frappés par l'arrogance, le manque d'ouverture et la méconnaissance accablante de ces élites, quelques érudits, savants, professeurs et hommes d'affaires emmenés par Émile Boutmy vont alors tirer les leçons de l'échec passé afin de remédier aux carences fonctionnelles et structurelles de la jeune IIIe République.
Ceci aboutit à la création de l’École libre des sciences politiques en 1872 à Paris par Boutmy, qui s'entoure d'un cercle d'éminents universitaires, comptant dans ses rangs Hippolyte Taine, Ernest Renan, Albert Sorel et Paul Leroy-Beaulieu. L'ambition des fondateurs de la nouvelle école était de doter la IIIe République d'élites, la formation des élèves étant totalement repensée avec notamment une approche pluridisciplinaire et une ouverture à l'international.
L'une des conséquences de la guerre de 1870-1871 fut une accélération du développement du droit humanitaire international. En effet, il n'existait auparavant que la première convention de Genève () destinée à protéger des militaires blessés pendant les guerres, mais rien de précis n'encadrait le droit de la guerre. Cette lacune avait provoqué de sérieuses contestations entre les belligérants, et des mesures de représailles. Le tsar Alexandre II convoqua donc à Bruxelles, du au , une conférence qui avait pour objet de codifier les lois et coutumes de la guerre[49].
Par ailleurs, alors que son projet ne prévoyait rien quant aux règles à appliquer concernant l'internement de belligérants en pays neutre, la retraite et le passage en Suisse des 90 000 survivants de l'Armée Bourbaki avaient si profondément marqué les esprits qu'il fallut aussi traiter cette question. En effet, les nombreux problèmes juridiques inédits posés par cet internement concernant le droit de la guerre et celui de la neutralité ne furent résolus que par des négociations bilatérales de la Suisse avec l'Allemagne d'une part, et avec la France d'autre part[49].
Tout cela fut intégré soit à la Convention concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre adoptée à La Haye le 29 juillet 1899 soit à la convention adoptée lors de la seconde conférence de La Haye conclue le 18 octobre 1907 quant aux droits et devoirs des puissances et des personnes neutres en cas de guerre sur terre, dont les dispositions sont toujours en vigueur aujourd'hui (articles 11 à 15 de la Convention)[49].
Dans la mesure où la guerre fut une défaite pour la France et que les anciens combattants cherchaient à oublier cet aspect pour mettre en valeur des actes héroïques individuels, les monuments érigés comme les commémorations sont souvent issus d'initiatives locales (cf. section suivante et article dédié). C'est par ailleurs seulement en 1911 que l'État choisit d'honorer les anciens combattants de ce conflit par une médaille[50],[51].
Le traité de Francfort du , qui clôtura la guerre franco-prussienne de 1870, stipulait, dans son article 16, que les deux États signataires s'engageaient, sur leur territoire respectif, à entretenir les tombes de soldats morts pendant le conflit.
La loi allemande du régla la question des tombes militaires allemandes et françaises dans les trois départements annexés d'Alsace-Moselle. La loi française du , relative à la conservation des tombes des soldats morts pendant la guerre de 1870-1871, réglementa la question des tombes militaires sur le sol français. De 1873 à 1878, l’État français a financé la construction de 25 ossuaires surmontés d'un monument et l'aménagement de 87 396 sépultures réparties dans 1 438 communes et 36 départements.
En France, l'édification de monuments commémoratifs a été, pour une part, l’œuvre du Souvenir français et celle des sections de vétérans. C'est à partir de la loi de 1890, laissant aux communes l'initiative de leur érection, que l'on vit se multiplier les monuments aux morts de la guerre de 1870-1871 en France.
Outre les monuments et mémoriaux (comme le Lion de Belfort) érigés sur les lieux des combats, une plaque a été apposée au Panthéon dans l'escalier menant à la crypte. Il y est gravé : « À la mémoire des généraux D'Aurelles de Paladines, Chanzy et Faidherbe, des colonels Denfert-Rochereau et Teyssier ainsi que des officiers et des soldats des armées de terre et de mer qui en 1870-1871 ont sauvé l'honneur de la France ». Deux médaillons portent les noms de villes où les officiers et leurs soldats se sont distingués : Patay, Orléans, Belfort, Bapaume, Coulmiers, Bitche.
En France comme en Allemagne, la mémoire de la guerre de 1870 se matérialise rapidement dans l'architecture et l'urbanisme. Des monuments, des mémoriaux et des toponymes sont ainsi inaugurés, qui donnent lieu à des commémorations officielles auxquelles participent les associations d'anciens combattants. Tandis que du côté français, les œuvres (panoramas, sculptures, etc.) valorisent le courage des vaincus et que la mémoire de la Commune s'inscrit dans des réalisations plus modestes du fait de la censure (livres, chansons, estampes, etc.), du côté allemand la victoire est célébrée dans les arts (peintures, statues, monuments à Guillaume Ier, Bismarck et Moltke), alors que le monde des lettres (historiens, journalistes) retrace le récit de l'unification du pays[52].
A partir de 1910 sur l'initiative de Stephen Pichon sont publiés des documents relatifs à l'histoire politique et diplomatique des événements de 1870-1871[53], disponibles aujourd'hui sur la Bibliothèque diplomatique numérique.
La guerre de 1870-1871 a été abondamment représentée par des photographies et des estampes, gravures et caricatures[54], ainsi que des images d’Épinal.
La guerre de 1870 a également inspiré de nombreux peintres :
Parmi les nombreux monuments commémoratifs de la guerre de 1870, certaines œuvres ont eu un rayonnement particulier, on peut citer, entre autres, les œuvres des sculpteurs suivants :
La guerre franco-prussienne et l'annexion de l'Alsace-Lorraine ont suscité la création d'un certain nombre de chansons, la plupart dans le style revanchard propre à l'époque, parmi lesquelles :
La guerre franco-prussienne a été portée sur grand écran dès le début du cinéma muet dans des productions cinématographiques diverses[55] :
La guerre franco-prussienne a été porté sur le petit écran dans des productions télévisuelles diverses :
« Bismarck Aussagen, die dann auf die verkürzte und viel zietierte Formel « Ohne Jena, Kein Sedan » hinausliefen, knüpten in gewisser Weise an Deutungsangebote der Niederlage von 1806 an, die seit den Freiheitskriegen gerade auch in Jena von der Kräften der liberalen und nationalen Bewegung entwickelt worden waren. »